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Dossier

Recommandations : les durées d’antibiothérapies revues au plus court

Par Bénédicte Gatin - Publié le 10/05/2021
Recommandations : les durées d’antibiothérapies revues au plus court


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Au-delà du respect des indications et de la rationalisation du choix des molécules, le bon usage des antibiotiques passe aussi par l’optimisation des durées de prescription. Afin d’aider les praticiens, la Spilf a récemment actualisé ses recommandations sur le sujet. Si la tendance est plutôt à raccourcir les durées de traitement, toutes les situations ne se prêtent pas à l’exercice.

En 2017, la Spilf (Société de pathologie infectieuse de langue française) a émis des recommandations consacrées spécifiquement à l’optimisation des durées d’antibiothérapies. L’objectif : proposer, pour les principales infections courantes, les traitements les plus courts possibles ayant fait la preuve de leur efficacité, sans perte de chances pour les patients.

Près de quatre ans plus tard, la société savante vient de mettre à jour ses guidelines, à la lumière des données récentes de la littérature. Même si « peu d’études se sont intéressées de façon spécifique aux durées de traitement », comme le soulignent d’emblée les auteurs, et que « leur méthodologie est souvent très peu robuste », la nouvelle mouture apporte plusieurs modifications notables.

De façon générale, le nouveau document a éliminé toute notion de fourchette « car on s’est rendu compte que cela était souvent mal interprété, explique le Pr Pierre Tattevin (président de la Spilf), et que les prescripteurs avaient tendance à privilégier la durée la plus longue ».

PAC : la durée de l’antibiothérapie, fonction de l’évolution clinique à J3

Par rapport à 2017, certaines durées d’antibiothérapie ont été revues à la baisse comme pour les pneumonies aiguës communautaires (PAC) de l’adulte, hors réanimation. Dans la version antérieure, le curseur avait été placé à 7 jours, les auteurs soulignant toutefois « qu’une évolution clinique et/ou biologique favorable pourrait permettre de réduire encore la durée ». Les recommandations 2021 vont plus loin en stipulant noir sur blanc que le traitement peut être arrêté au bout de 5 jours « si amélioration clinique (apyrexie et amélioration des signes vitaux) au moment de la réévaluation à J3 ». Une étude récente du Lancet suggère même que le traitement pourrait être arrêté au bout de 72 heures en cas d’évolution clinique favorable, mais ce travail a été publié après la parution des recos et n’a donc pas pu être pris en compte. En revanche, en l’absence d’amélioration, la durée de l’antibiothérapie reste fixée à 7 jours maximum.

À travers cette recommandation, la Spilf ouvre la porte à une individualisation des durées de prescriptions selon l’évolution précoce (clinique mais aussi biologique), qui pourrait être déclinée pour d’autres infections. « Cependant, cela implique de disposer d’éléments d’évaluation rapide et facilement accessibles, la clinique n’étant pas forcément suffisante pour juger de l’éradication de la bactérie », nuance le Pr Tattevin. À ce titre, plusieurs études se sont penchées sur l’intérêt potentiel de la procalcitonine – notamment dans les PAC – mais les résultats n’ont pas été jugés concluants.

7 jours seulement pour la « cystite » de l’homme

Les nouvelles recommandations invitent aussi à lever le pied pour certaines infections urinaires masculines basses ou « cystites de l’homme ». En l’absence de signe clinique de prostatite et après exclusion des patients avec une uropathie ou immunodéprimés, la Spilf propose de se limiter à 7 jours de traitement. Alors que le concept de cystite masculine fait encore débat, cette mesure – étayée par quelques études récentes – a été soumise au vote de l’ensemble des membres de la société savante et a fait l’objet d’un « consensus fort » avec 82,3 % des voix.

Pour les prostatites « classiques », alors que jusqu’à présent les traitements de 21 jours minimum avaient tendance à être privilégiés, la règle des 14 jours « a été consolidée », indique le Pr Tattevin.

Le contre-exemple de l’otite

A contrario, dans de rares situations, les données de la littérature ont conduit à être plutôt conservateurs. « Par exemple, pour les otites moyennes aiguës, on pensait pouvoir réduire les durées de traitement mais on s’est rendu compte que ce n’était pas le cas pour les enfants de moins de 2 ans », illustre le président de la Spilf. Deux études publiées dans le NEJM ont en effet montré qu’un traitement de 5 jours exposait les jeunes patients à une guérison moins rapide avec un inconfort plus important mais aussi à un risque accru de récidives par rapport à une antibiothérapie de 10 jours, qui reste donc la règle dans cette population.

Un levier pour lutter contre l’antibiorésistance ?

La volonté de réduire la durée des antibiothérapies n’est pas nouvelle. Dès 2015, le rapport Carlet pour la préservation des antibiotiques avait évoqué la question en proposant de « limiter la durée de la première prescription d’antibiotiques à 7 jours » et, depuis, le sujet agite régulièrement la communauté scientifique.

L’idée est notamment de pouvoir lutter contre l’antibiorésistance. « Dans un contexte mondial où la résistance aux antibiotiques est devenue une préoccupation majeure en matière de santé publique, il est important de réduire les durées de traitement afin de limiter la pression de sélection sur les bactéries », estiment les auteurs des recommandations. 
En diminuant le volume d’antibiotiques consommé, on peut en effet « espérer réduire leur présence dans les effluents et alléger ainsi la pression sur l’environnement », appuie le Pr Tattevin. En revanche, l’effet direct de la réduction des durées de traitement sur l’émergence de résistances chez un patient donné reste discuté. « Plusieurs études ont montré que les résistances apparaissent très tôt, dès les premières expositions. Ainsi, il n’est pas sûr que cela fasse une grande différence que l’on arrête l’antibiotique à J5, J7 ou J 10 », tempère l’infectiologue. À un moment, l’OMS avait même pointé le risque de faire émerger des résistances en cas de traitement trop court, « mais cela n’a pas été confirmé ».

Le bénéfice en termes d’effets secondaires est en revanche établi, notamment vis-à-vis du risque de colite à Clostridium. « Raccourcir les traitements présente d’autres avantages tels que la réduction du coût ou une meilleure observance thérapeutique », avancent également les auteurs des recommandations.

Pour autant, la réduction des durées d’antibiotiques « doit être réservée aux indications démontrées », insiste le Pr Tattevin. Par ailleurs, « il ne faudrait pas que cela se fasse au détriment du bon usage des antibiotiques et que cela conduise par exemple à être moins sélectif sur les indications de traitement sous prétexte que l’on ne traite que 5 jours »

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