Recherche médicale dans l’urgence : quelle éthique ?

Publié le 31/10/2024
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Vu par le Dr Hervé Maisonneuve – La déclaration d’Helsinki sur l’éthique de la recherche médicale s’adresse maintenant à tous les acteurs de la recherche. Suite au Covid-19, le principe de ne pas s’affranchir des bases de l’éthique médicale sous prétexte qu’il faut accélérer la recherche a été ajouté à cette déclaration. L’intégrité, la rigueur et l’éthique en recherche sont une priorité en toutes circonstances.

Crédit photo : DR

En recherche médicale, il existe des recommandations pour préserver la santé des patients et ne pas nuire. La déclaration d’Helsinki a été adoptée en 1964 par l’Association médicale mondiale (AMM) basée à Ferney-Voltaire (Ain). Elle est proche de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Genève et d’autres organisations internationales. Cette déclaration, amendée 10 fois en 60 ans, trouve son origine dans le code de Nuremberg, proposé après les atrocités de la seconde guerre mondiale. La version de 2013 a été révisée et adoptée en octobre 2024 lors de la 75e assemblée générale de l’AMM à Helsinki.

Principes éthiques applicables à la recherche médicale impliquant des êtres humains est le titre en français de cette version qui a toujours 37 articles. C’est le Journal of the American Medical Association (JAMA) qui a publié la nouvelle version, ainsi que neuf articles expliquant les trente mois de travail avec huit conférences régionales, et de nombreux experts. Je ne retiens que quelques modifications.

Les patients sont des partenaires de la recherche

En anglais participants remplace subjects. En français, ce sera soit « êtres humains » soit « participants » qui sera utilisé. Le terme participant signale que les patients ou volontaires sains sont des partenaires des professionnels de santé. Ils ne sont plus des acteurs passifs et ils doivent s’engager dans la recherche. Le consentement éclairé devient le consentement éclairé et libre. La vulnérabilité doit être mieux prise en compte (femmes, enfants, minorités ethniques…).

Le consentement éclairé devient le consentement éclairé et libre

Il est précisé : « Bien que la Déclaration ait été adoptée par les médecins, l’AMM considère que ces principes doivent être respectés par toutes les personnes, équipes et organisations impliquées dans la recherche médicale, car ils sont fondamentaux pour le respect et la protection de tous les participants à la recherche, qu’il s’agisse de patients ou de volontaires en bonne santé ». La recherche médicale doit d’abord être faite pour répondre aux besoins des patients : il faut le rappeler.

Les leçons de la crise du Covid

De nouvelles phrases ont été ajoutées, pour introduire l’intégrité en recherche et notamment celles qui ont été faites dans l’urgence : « L’intégrité scientifique est essentielle dans la conduite de la recherche médicale impliquant des participants humains. Les personnes, les équipes et les organisations concernées ne doivent jamais commettre d’inconduite en matière de recherche. (…) Si de nouvelles connaissances et interventions peuvent s’avérer nécessaires dans les situations d’urgence en matière de santé publique, il reste essentiel de respecter les principes éthiques énoncés dans la présente déclaration lors de ces situations d’urgence. »

Il ne faut pas s’affranchir des principes d’éthique et d’intégrité lors des situations de crise, comme les épidémies. Des discussions ont été à la base de cet ajout. Trop de gaspillages sont observés en recherche. Trop d’essais inutiles sont faits avec de petits effectifs et sans coordination entre les chercheurs. Sur environ 2 000 essais “Covid-19” répertoriés en 2020, seulement 5 % ont été conçus et faits avec une rigueur scientifique pour être certains de générer des connaissances de qualité. Trop de protocoles manquaient de puissance et beaucoup d’essais n’ont pas inclus suffisamment de patients. Plus de 530 000 patients inclus dans les essais Covid en 2020 ont été exposés à des risques, et seulement 26 % ont contribué à la génération de données probantes. Soyons optimistes et pensons que les équipes de recherche sauront en tenir compte lors des prochaines épidémies, et nous éviter des polémiques inutiles.

Reprise de la déclaration de Taïpei

Je ne reprends pas les nombreuses précisions ajoutées sur les placebos, la fourniture de traitements en fin d’essai, etc. Cette version 2024 reprend la déclaration de Taïpei (2016) intitulée Recherche sur les bases de données de santé, les big data et les biobanques. Cette déclaration précise les droits des donneurs de tissus ou de données pour la recherche ou à d’autres fins, sur une base confidentielle et selon les règles du respect de la vie privée. Les données de santé sont un outil efficace pour améliorer les connaissances.

L’intelligence artificielle n’est pas mentionnée dans cette actualisation… Surprenant car il ne faudra pas attendre onze ans pour évoquer les questions éthiques liées à ces outils.


Source : Le Quotidien du Médecin