Une précédente lettre au Quotidien en 2022 prédisait que les « déserts médicaux » s'installeraient bientôt dans les amphithéâtres de la fac de médecine. Depuis, la situation de la « santé » ne s'est pas améliorée. La nomination d'un ancien président de la FHF au ministère a de quoi inquiéter. Le beau métier de médecin, lentement, perd de son attrait pour les jeunes générations, à mesure que s'effrite inexorablement la reconnaissance que le pays, et notamment ses gouvernants, lui accorde.
Que se passera-t-il quand la digue de la médecine de ville sera rompue ?
Il y a, depuis cette année, plus de médecins salariés que de libéraux et la tendance s'accélère. Croit-on pouvoir peupler les fameux déserts des villes et des campagnes en centralisant toute la médecine à l'hôpital et structures apparentées ? Cela sera, certes très bien accueilli par ceux qui, depuis longtemps, sont « en charge »... mais finira par submerger l'hôpital lorsque la digue de la médecine des villes et des campagnes sera rompue.
Parmi les derniers ordonnateurs du désastre programmé, un ancien président de la FHF et une rhumatologue hospitalière, profondément enfouis dans la politique! L'AP-HP orchestre la mise au pas des brebis égarées... et avec quelle maestria, on l'a vu pendant le Covid. L'avant-dernier ministre, notre confrère Braun, nous l'a bien dit, du haut de sa chefferie de service : 26,50 euros la consultation... mais attention : donnant-donnant !
Il y a aussi la reconnaissance des efforts fournis pour devenir médecin, de la qualité du service rendu à la population, de la charge de responsabilité...
Le tarif (ne parlons plus d'honoraires à ce niveau) : 26,50 euros. Il y a, dans cette virgule quelque chose d'obscène. Et, par pitié, ne comparons pas l'acte médical à tout autre service, car les sensibilités des uns et des autres, qui fournissent eux aussi un service, peuvent en être irritées à juste titre. Il y a un seul moyen d'étalonner la hauteur de la consultation médicale : elle représente, en France, 1/50e du SMIC.
De jeunes médecins roumains, ayant tenté « l'aventure française », sont repartis chez eux où les 40 euros de la consultation représentent... 1/8e du SMIC, ce qui fait une sacrée différence de pouvoir d'achat... Mais pas seulement. Il y a aussi la reconnaissance des efforts fournis pour devenir médecin, de la qualité du service rendu à la population, de la charge de responsabilité... Tout cela est mentalement, affectivement même, très important. Et tant pis, si la reconnaissance passe non seulement par le regard de patients et certaines marques de gratitude, mais AUSSI par la hauteur des honoraires.
Une autre preuve du peu de considération accordée à la médecine libérale par les autorités sanitaires ? Le temps très long de réaction à la présence sur Doctolib de ceux, les "logues", les "pathes", les "thérapeutes" et autres "praticiens" en tous genres qui se sont formés en quelques heures à de très nobles "spécialités" pour pouvoir "jouer au docteur" (mais pas aux mêmes tarifs!). Certains se déplacent même à domicile. Diplôme requis ? Le permis de conduire !
Si nos gouvernants pensent qu'il suffira de :
- « régulariser>< les médecins étrangers... Qu'ils ne négligent surtout pas de s'enquérir du niveau de compétence de certains pour éviter une catastrophe sanitaire comme celle qui est en train de se faire jour en Suède (où je passe plusieurs mois chaque année) où les médecins en place accueillent, atterrés, des médecins incapables parfois de prendre la tension!
– flatter les infirmières en leur accordant les titres ronflants d'IPA ou de "référent" et en élargissant leurs compétences
- de transformer certains "soignants" en médecins grâce à une formation accélérée... si! si! un député a eu cette brillante idée. Personne n'y avait pensé avant... Dingue !
- de former les aides-soignants à certains gestes infirmiers (non, non, pas faire les études ! Apprendre juste quelques « gestes infirmiers »), complétant la cascade et amenant peut-être les I.D.E. elles-mêmes à se demander si ça valait bien la peine de passer par l'école d'infirmière pour être diplômée d'Etat... Ce n'est pas ce genre de mesure qui va freiner l'exode inexorable de nos infirmières vers d'autres activités...
Non, l'état de la médecine ressemble étrangement à celui de l'agriculture et de l'éducation : ceux qui vous nourrissent, braves gens, ceux qui vous éduquent et vous instruisent et ceux qui vous soignent souffrent d'être désormais « considérés » ( ! ) comme les sous-fifres de la société, malgré leur utilité sociale que tout le monde, y compris au sommet de l'Etat, s'accorde à leur reconnaître.
Problèmes d'attractivité ? Difficultés de recrutement ? Diminution permanente des effectifs ? Au pays du « quoi qu'il en coûte », en matière de médecine, mais pas seulement, l'Etat compte ses sous... à la virgule près, dirait monsieur le ministre « donnant-donnant » Braun... Bientôt, tous les expédients évoqués plus haut ne suffiront plus.
Vous souhaitez vous aussi commenter l'actualité de votre profession dans Le Quotidien du Médecin ?
Adressez vos contributions aurelie.dureuil@gpsante.fr
Réactions à l’événement sur le système de santé à Gaza
En partenariat avec France Info
C’est ma santé : faut-il consommer des prébiotiques et des probiotiques ?
C’est vous qui le dites
« Il en faut du courage pour vouloir devenir médecin aujourd’hui ! »
Éditorial
Une place ténue à la COP29