« L’Annonce faite à Marie » de Paul Claudel

Une vision bouleversante

Publié le 03/07/2014
Article réservé aux abonnés

Théâtre

Aux Bouffes du Nord, dans l’espace aux murs savamment décrépis, est posé un plateau nu. Un rideau de fil ferme l’espace. Derrière, on devinera certains des personnages et les deux violoncellistes, Myrtille Hetzel, Clotilde Lacroix. Elles accompagnent la représentation en suivant la composition de Camille Rocailleux, qui tresse plusieurs styles de musique et des langues différentes, jusqu’à l’araméen. Tous les comédiens chantent, fidèles en cela à ce qu’imaginait Paul Claudel lui-même, qui a commencé à écrire cette pièce dès 1892 et l’a souvent reprise.

C’est la version de 1911 qui a été retenue. L’argument demeure le même : deux sœurs, Mara (Marine Sylf) et son aînée Violaine (Judith Chemla). Cette dernière, parce qu’elle a donné un baiser à un bâtisseur de cathédrale, Pierre de Craon (Damien Bigourdan), qui a la peste, sera contaminée et exclue. Leur père, Anne Vercors (Jean-Claude Drouot), part pour la croisade. On le verra revenir, tandis que Mara, préférée de la mère (Fabienne Luchetti), aura épousé le fiancé de sa sœur, Jacques Hury (Thomas Condamine). L’histoire se complique de l’irruption du surnaturel et du miracle. Violaine va sauver l’enfant de sa sœur. Elle meurt comme une sainte et nous laisse sur l’énigme de la disparition. Même en Dieu, partir est un arrachement que nul n’affronte sans douleur.

Étrange histoire. Que l’on soit ou non croyant, « l’Annonce faite à Marie » touche profondément. La mise en scène d’Yves Beaunesne est belle, profonde, bouleversante. Tous les comédiens sont remarquables. On dirait qu’ils viennent directement du Moyen Âge tout en étant nos contemporains. On parlera plus précisément de l’héroïne, Violaine : Judith Chemla parvient à être une petite fille (au début, avec son père), puis une femme indépendante (avec Pierre), puis une sainte. Elle est belle, sombre, sauvage ; elle chante magnifiquement. Elle n’est que tressaillement et désespoir (comme le Christ). Elle est magnifique.

Bouffes du Nord (tél. 01.46.07.34.50, www.bouffesdunord.com), du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche 6 juillet à 16 heures. Durée : 2 h 15 sans entracte. Jusqu’au 19 juillet. En tournée cet automne.

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du Médecin: 9340