L’éditeur Solstice/Disques FY a réparé une injustice discographique en enregistrant pendant les dix dernières années de sa carrière l’immense pianiste et pédagogue française Yvonne Lefébure (1898-1986), qui n’avait pas eu les honneurs des studios au moment de l’explosion du microsillon dans les années 1960. Ce somptueux coffret est complémentaire du passionnant documentaire publié en 2006 par le même éditeur, « Une leçon de vie » (« le Quotidien » du 22 janvier 2016).
Cette merveilleuse artiste a connu, côtoyé, reçu les enseignements de tout ce qui a compté dans la musique française et européenne depuis la fin du XIXe siècle (Cortot, Widor, Emmanuel, Fauré, Dukas, Ravel…). Et, aujourd'hui encore, nombreux sont les pianistes et musiciens, et non des moindres, qui ont reçu son enseignement. Et quel enseignement ! Car si la femme était souvent fantasque, et la pianiste, comme le montre ce coffret, très variable dans son inspiration, la pédagogue était suprême et savait métamorphoser le jeu de ses élèves autant par ses paroles que par l’exemple, au cours de leçons d’interprétation publiques (qui ne s’appelaient pas encore master classes) – auxquelles nous avons eu la chance d'assister – à l’École normale de Paris ou à l’Académie internationale Debussy de Saint-Germain-en-Laye.
Un répertoire immense
« Une légende du piano » reprend la totalité des enregistrements réalisés par Yvette et François Carbou (Disques FY), auxquels s’ajoutent de très nombreux inédits retrouvés dans les archives de l’INA et de la BBC. Le répertoire immense, qui reflète bien la curiosité de l'artiste, va de Rameau à Albert Roussel, de Couperin à Maurice Emmanuel. Et les partenaires sont aussi illustres que Pablo Casals, Wilhelm Furtwängler, Fernand Oubradous, Ernest Ansermet, Pierre Dervaux, Paul Paray, Sándor Vegh, Pierre Bertin. On retrouve aussi des extraits de l'émission « Radioscopie » que Jacques Chancel lui avait consacrée, ainsi que d’autres interviews conservées grâce à l’INA.
Pour être inconditionnel de cette exceptionnelle pianiste, on n’en est pas moins critique. Si l'ensemble est inestimable, certains détails peuvent appeler des réserves. Yvonne Lefébure avait un tempérament de feu, auquel elle se laissait parfois emporter en jouant. Il y a des concertos qui donnent un peu froid dans le dos quand l’orchestre doit lui courir après. Et certains compositeurs ne lui inspiraient pas la même passion que Bach, Schumann et surtout Beethoven – les « Variations Diabelli », deux fois présentes dans le coffret, sont admirables de fantaisie et de couleurs.
Le meilleur de Lefébure est à chercher avec les compositeurs français. Debussy, Ravel, Fauré surtout, qui lui inspiraient une vision tout à fait personnelle, bien que marquée du sceau de leur enseignement. Mais aussi les plus rares Dukas, Roussel et Maurice Emmanuel, qu’elle défendait avec la même ferveur.
S'il faut exprimer des préférences, la dame paraît incomparable quand elle joue la musique pour piano de Bach, notamment le « Prélude et fugue pour orgue en la mineur BWV 543 » transcrit pour le piano par Liszt et les chorals de Cantates transcrits par Busoni ou Mira Hess. On peut mettre au-dessus de tout les Fauré enregistrés en studio en 1980, ainsi que ceux de 1967 à Radio France (« Thème et variations »). Et on conseille, pour avoir une idée du tempérament bouillonnant d'Yvonne Lefébure, malgré ses cocasses décalages avec l’orchestre, l’enregistrement légendaire du « 20e Concerto » de Mozart (avec les ébouriffantes cadences de son époux Fred Goldbeck), sous la baguette de l’austère Wilhelm Furtwängler, avec les Berliner Philharmoniker, en mai 1954 au Festival de Lugano. Historique !
* Avec les pochettes d'origine des microsillons
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