Un esprit shakespearien

SUR L’ÎLE DE MAN, le roi (Georges Bigot) voit d’un œil jaloux les amours de Lady Janet et Lord Slada, jeunes tourtereaux qu’il poursuit de sa hargne, aidé de son fidèle Mess Tityrus (Philippe Bérodot). C’est compter sans la sorcière Zineb (Charlotte Clamens) et le gueux au très grand cœur, héros hugolien s’il en est (Jérôme Pouly, de la Comédie-Française).

Laurent Pelly a imaginé, pour représenter cette pièce tardive et vive, un décor très particulier de grands troncs d’arbres qui ploient comme les herbes de la lande. Au loin, l’océan, dont les vagues sont l’écriture même de Victor Hugo. Un très joli effet qui donne une liberté supplémentaire à la représentation.

Il y a tous les grands thèmes : l’amour, le pouvoir abusif, la force de la nature incarnée en deux êtres qui vivent en marge de la société et sont bons. La pièce est très empreinte de ce Shakespeare qu’Hugo admire et connaît si bien. Les thèmes, et cet ensemble qui mêle grotesque et sublime, farce et drame, sont soutenus par une langue en alexandrins audacieux, aux mouvements océaniques, avec, notamment, de très longs monologues pour chacun des protagonistes.

Les comédiens sont excellents. Les amoureux, deux jeunes acteurs belges, sont fins et sensibles (Charlotte Dumartheray et Cédric Leproust). Dans le rôle de Mess Tityrus, Philippe Bérodot est parfait. Le roi de Georges Bigot – qui fut roi shakespearien chez Mnouchkine – est inquiétant et enfantin à la fois, ainsi qu’il est imaginé par Hugo. Charlotte Clamens compose la vieille Zineb avec une délectation communicative tandis que Jérôme Pouly, acrobate généreux, se joue de toutes les difficultés de la langue et s’envole, littéralement.

Un spectacle généreux et intelligent. La leçon d’Hugo, qui déteste les tyrans et croit que certains êtres sont bons, n’a rien de naïf. Elle est puissante et nous éclaire en nous divertissant.

Théâtre national de Toulouse (tél. 05.34.45.05.05, www.tnt-cite.com), du mardi au samedi à 20 h 30 (mercredi à 19h30), dimanche 16 heures. Durée : 2 heures sans entracte. Jusqu’au 20 avril. Puis en tournée à Genève, au Théâtre de Carouge, du 14 mai au 2 juin, et à Marseille, Théâtre de la Criée, du 12 au 15 juin.