« Huis clos », de Jean-Paul Sartre

Un classique dans la proximité

Publié le 04/12/2014
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Crédit photo : B. ENGUERAND

Théâtre

On l’étudie au lycée, elle fait partie des classiques de la littérature du XXe siècle, mais « Huis clos » est peu souvent représentée. Elle est ici proposée dans une forme probe, sobre et dans une proximité assez troublante, puisque dans la petite salle du Poche, on est au même niveau et tout près des comédiens.

Trois personnes viennent de mourir et sont introduites par le garçon d’étage (Philippe Rigot), dans une pièce qui va devenir le lieu d’un procès informel. Ils vont s’expliquer, se raconter, prendre conscience de ce qu’est vraiment l’existence. Ici, les canapés que prévoit l’auteur sont de larges banquettes blanches, comme des îlots sur lesquels chacun tente de se retirer. Pas de cheminée. Mais le bronze de Barbedienne est bien là, sur un socle haut.

Joseph Garcin, que joue Daniel Colas, qui signe également la mise en scène, a été introduit le premier. Inès Serrano, la brune Marianne Epin, le suit de près. Bientôt, Estelle Rigault, Mathilde Penin, longue et blonde, fait à son tour son entrée. Ils vont comprendre peu à peu où ils sont. Ils vont se raconter. Chacun a commis un acte qui méritait l’enfer…

Écrite en 1943, la pièce porte les traces de son âge : elle est très psychologisante, très explicative. Et célèbre pour sa formule « L’enfer, c’est les autres. » Sartre s’en est expliqué plus tard : « Je veux dire que si les rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors l’autre ne peut être que l’enfer. Pourquoi ? Parce que les autres sont, au fond, ce qu’il y a de plus important en nous-mêmes, pour notre propre connaissance de nous-mêmes. »

C’est l’affrontement des trois, évidemment, qui fait l’intérêt de la pièce aujourd’hui. Sartre les fait penser, agir, désirer intensément, avec les passions de la vie. Philippe Rigot dessine un garçon énigmatique. Daniel Colas, Garcin le journaliste, raisonne, lucide et sensible à la beauté d’Estelle, qui a bien du mal à assumer ce qu’elle a fait. Inès est troublée par Estelle et son agressivité est intense. On est presque gêné d’être si près des « personnages » qui s’expliquent. Mais le jeu très précis des interprètes nous fait oublier ce qu’il pourrait y avoir d’indiscret dans notre présence de spectateur-voyeur.

Théâtre de Poche-Montparnasse, du mardi au samedi à 21 heures, dimanche à 15 heures. Durée : 1 h 30. Jusqu’au 11 janvier. Dans la salle du haut, à 19 heures, du mardi au samedi, « Fratricide » de Dominique Warluzel, avec Jean-Pierre Kalfon et Pierre Santini, un affrontement haletant. Tél. 01.45.44.50.21, www.theatredepoche-montparnasse.com.

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du Médecin: 9371