Entre démission et création

Tempête sur Garnier

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Publié le 29/02/2016
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Cl-La nuit s'achève

Cl-La nuit s'achève
Crédit photo : B. FANTON/OPÉRA DE PARIS

Tempête ou plutôt tsunami médiatique avec l’annonce de la démission de Benjamin Millepied, nommé il y a à peine 15 mois pour succéder à Brigitte Lefèvre, laquelle était restée à ce poste pendant vingt ans. Et nomination de la danseuse étoile Aurélie Dupont, retraitée du BOP depuis neuf mois, soit le retour à la direction de la Danse de l'Opéra de Paris d’une personnalité du sérail, Millepied, danseur français formé par le Conservatoire de Lyon, ayant fait sa carrière de danseur et de chorégraphe aux États-Unis, principalement au New York City Ballet.

Trois invités

Quelques jours plus tard, Millepied présentait un nouveau programme roboratif qui commençait avec « Tombe », une « conception » de Jérôme Bel, chorégraphe dans le vent de la « non-danse » dont c’était la deuxième création pour l’Opéra de Paris après le très remarquable « Véronique Doisneau » en 2004. Bel a demandé à trois danseurs maison d’inviter chacun sur scène une personne qui n’aurait jamais eu l’occasion d’y danser. La première était Henda Traore, jeune caissière de supermarché et baby-sitter d’origine malienne que le coryphée Grégory Gaillard, après lui avoir fait visiter le plateau et montré la salle d’une façon très pédagogique, invite à danser sur une musique ethnique africaine : magnifique improvisation, cocasse, dans le décor de la très ancienne production de « Giselle ». Cela car la deuxième invitée – par le sujet Sébastien Bertaud –, Sandra Escudé, danseuse qui a perdu accidentellement une jambe, a dansé en fauteuil roulant le fameux duo avec Albrecht au deuxième acte de « Giselle ». Moment très poétique et d’émotion intense. La dernière invitée était celle de l'étoile Benjamin Pech. Hospitalisée au cours des répétitions, elle était absente et c’est par le film que l’on a pu découvrir Sylviane Millet, une octogénaire habituée de très longue date du BOP, qui occupait chaque soir de représentation un strapontin au premier rang du parterre. Benjamin Pech a présenté l’ébauche de ce qui aurait pu se terminer par le rêve de toute une vie et c’était poignant de voir ce magnifique danseur montrant à cette dame en son grand âge, en la manipulant tel un précieux  bibelot, comment évoluer avec grâce et prudence sur un plancher de studio. Le lendemain, le danseur étoile de 42 ans, atteint par la limite d'âge, a fait ses adieux à la scène du Palais Garnier au cours d’une de ces soirées à bravos et paillettes dont le BOP a le secret.

Avec « la Nuit s’achève », Millepied ajoutait sa cinquième création au répertoire du Ballet. Bien que peu mémorable, une belle réalisation sur le plan de la technique chorégraphique. Elle met en scène, sur les trois mouvements de la sonate « Appassionata » jouée assez placidement par Alain Planès, trois couples (des premiers danseurs et des jeunes du rang distingués par Millepied, un mélange représentatif de sa méthode). Beaucoup de mouvements, courses, poursuites, étreintes dans le joli décor de Camille Dugas. 

L'excellence

Le troisième volet du programme était à notre sens le plus formidable et typique de ce que peut être « l’excellence » du BOP, sur laquelle Millepied avait émis des doutes. Soit l’entrée au répertoire d’un ballet de Jerome Robbins, « les Variations Goldberg » (1971). Une pièce de 80 minutes associant les difficultés de la danse classique aux styles du post-classicisme, demandant un sérieux corps de ballet et de solides solistes, soit l’idéal pour cette compagnie aux dons protéiformes. C’est un monument qui manquait au répertoire du BOP, à l’égal de « Dances at a gathering » et « In the Night », autres pièces de Robbins. Dans la distribution, on distinguait les étoiles Dorothée Gilbert, Joshua Hoffalt, Mathieu Gagno, qui héritait du plus beau solo de la soirée, ainsi que Laure-Adelaïde Boucaud et Bruno Bouché. Mais, encore une fois, c’est l’excellence de l’ensemble qui frappait dans la réalisation de ce chef-d’œuvre.

Opéra de Paris-Palais Garnier, prochain spectacle de danse : «Iolanta»/«Casse-Noisette», du 9 mars au 1er avril. Tél. 0892.89.90.90, www.operadeparis.fr.

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin: 9475