Le dernier spectacle présenté par le Ballet de l’Opéra de Paris (BOP) au Palais Garnier, avec un succès public certain, permet de se poser un certain nombre de questions. Il s’agit de « l’entrée au répertoire » d’une courte pièce de Maguy Marin « Les Applaudissements ne se mangent pas », dont la création au TNP de Villeurbanne, dans le cadre de la Biennale de la danse à Lyon, remonte à septembre 2002.
Maguy Marin, ancienne danseuse de Maurice Béjart au ballet du XXe siècle, a été une figure majeure du paysage de la Nouvelle Danse française. Elle restera avant tout la créatrice de « May B » (1981), pièce magnifique inspirée par le théâtre de Samuel Beckett, qui a fait le tour du monde. Elle a réalisé pour l’Opéra de Lyon deux chorégraphies, « Cendrillon » et « Coppélia », passées elles aussi à l’état de mythe. En 1987, Noureev lui a commandé pour le BOP « Leçons de ténèbres », un immense succès, partagé avec Les Arts Florissants. Au début du siècle, la danse de Maguy Marin s’est politisée, radicalisée, et sa compagnie a quitté Créteil pour s’installer à Sainte-Foy-lès-Lyon.
« Les Applaudissements ne se mangent pas » est une pièce pour huit danseurs, sur une musique électronique plutôt agressive et oppressante de Denis Mariott. Dans un décor plutôt réussi d’Ulises Alvarez : trois rideaux de franges multicolores, à la manière d’un grand nuancier, encadrent sur trois côtés la scène de Garnier, la laissant totalement vide.
Les huit danseurs, choisis parmi les éléments les plus jeunes du Ballet, évoluent dans ce trop vaste espace en courses-poursuites et bousculades. Les pas de danse sont rares. On en reconnaît çà et là quelques-uns, autrefois la signature de la chorégraphe, mais on ne décèle pas vraiment de rapport avec ce qui remplit tout un programme de l’Opéra, un argument qui s’inspire « des relations de domination qu’entretiennent les pays de l’Occident avec le continent sud-américain, du colonialisme du XIXe siècle à l’époque contemporaine régie par les lois du marché » et du roman pamphlétaire de l’écrivain uruguayen Eduardo Galeano, « les Veines ouvertes de l‘Amérique latine » (1971). Certes on perçoit dans la musique ce qui pourrait être des bruits de mitraillettes, on note qu’à plusieurs reprises des danseurs ramassent et traînent au sol de l’autre côté du rideau des danseurs qui sont tombés. De là à comprendre que l’on illustre un des problèmes majeurs du continent américain…
Ce spectacle d’une heure et cinq minutes, vendu aux tarifs habituels, est-il vraiment du niveau de la première scène chorégraphique nationale ? L’entrée au répertoire du BOP d’une pièce au propos si mince et au résultat si incertain est-elle justifiée ? Ce spectacle pose plus de questions qu’il ne donne de satisfactions. Aux responsables du Ballet d'y répondre, et surtout au public.
Classique et création
Les amateurs de ballet romantique se précipiteront à Garnier pour la reprise, du 28 mai au 14 juin, du pilier du répertoire qu’est la « Giselle » d'Adam, Coralli et Perrot, dans l’adaptation de Patrice Part et Eugène Poliakov. En juin, du 21 au 25, l’English National Ballet viendra au Palais Garnier in corpore avec « le Corsaire », une rareté du répertoire. Ce ballet à grand spectacle, créé à Paris en 1856, a été délaissé par les compagnies occidentales, réduit à son « Pas de deux », exercice obligé de tous les concours et galas de danse classique. La version de l’English National Ballet, que publie sur DVD Opus Arte, revient aux sources de l’original. C'est une bonne occasion de découvrir cette troupe.
Au Palais Garnier, la saison s’achèvera par un feu d’artifice, du 4 au 16 juillet, avec trois pièces du chorégraphe américain William Forsythe. « Approximative Sonata » et « Of Any if And », sur des musiques de Thom Willems, et « Blake Works », une création, sur une musique de James Blake.
Tandis que la salle Bastille verra l’entrée au répertoire, une des nombreuses sous l’impulsion de Millepied, d’une autre pièce de Balanchine, « Brahms-Schonberg Quartet ». Y sera confronté la première création pour le BOP du jeune chorégraphe néoclassique américain Justin Peck (du 2 au 15 juillet).
Tél. 0892.89.90.90, www.operadeparis.fr. Le 14 juillet, à Bastille, représentation en matinée gratuite.
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