À l'Opéra Garnier

Quatre chorégraphes d'aujourd'hui

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Publié le 04/06/2018
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Danse-Frôlons

Danse-Frôlons
Crédit photo : AGATHE POUPENEY/OPÉRA DE PARIS

Avec ce nouveau spectacle, Aurélie Dupont, la directrice de la Danse contestée, offre une réponse radicale à ceux qui lui reprochent de ne faire paraître sur scène qu'un nombre restreint de danseurs. Ils sont cette fois 128, plus de trois quarts de la compagnie ! Pour quatre pièces contemporaines d’une indiscutable qualité et parfaitement interprétées.

Pour ouvrir la soirée, reprenant une idée payante du précédent directeur Benjamin Millepied, qui avait donné carte blanche à Boris Charmatz pour une animation chorégraphique dans les parties communes du théâtre, voici James Thierrée et ses « Frôlons ». La plus grande réussite de l’artiste suisse aux multiples facettes réside dans les costumes dorés, d’une fantaisie débridée, de ces insectes géants qui rampent dans le palais d’ors et de marbre parmi les quelque 2 000 spectateurs priés d’y déambuler. Certains sont des monstres à tête de candélabre très certainement inspirés de la Bête de Cocteau. D’autres de gros lézards qui se promènent parmi des spectateurs médusés, hélas plus occupés à les photographier qu'à les observer.

James Thierrée et quelques assistants armés de lampes torches démesurées règlent ce ballet chaotique, mêlant musique de Thierrée, bruitages, chant interprété par Ophélie Crispin et voix de Charlotte Rampling. Un insecte déployant dans les airs une magnifique voilure vert mordoré attend les participants sur scène pour un finale qui s’est un peu fait attendre.

Images de groupe

Les trois chorégraphies de trente minutes qui suivent offrent un panorama plutôt chic de la danse contemporaine mondiale. Il s’ouvre par « The Art of Not Looking Back », de l’Israélien Hofesh Shechter, réputé pour agresser tous les sens. Les protège-oreilles fournis sont en l'occurrence inutiles, car la musique signée Shechter et John Zorn, mixée avec des concertos pour violon de Bach, si elle n’est pas très flatteuse pour les oreilles, est moins dérangeante que les violents éclairages. La chorégraphie réglée pour neuf danseuses est d’une grande fluidité, jouant des asymétries et parfaitement en phase avec la musique.

La qualité de la musique (enregistrée) n’est pas le fil rouge de la soirée. Celle pseudo-médiévale du « Stabat Mater » d’Arvo Pärt, qui sert de substrat à « The Male Dancer », du jeune Espagnol Iván Pérez, est si lénifiante que la chorégraphie, au vocabulaire un peu convenu, évoquant un bal costumé fantomatique, paraît à durée égale bien plus longue que celle de Shechter. Et les costumes du designer espagnol Alejandro Gómez Palomo sont un peu maniérés pour le groupe de dix danseurs, choisis parmi les meilleurs éléments de la nouvelle génération du BOP.

Le final, reprise de « The Seasons’ Canon » de Crystal Pite, a gagné à l’applaudimètre, avec standing ovation. Sur un arrangement criminel des « Quatre Saisons » de Vivaldi signé Max Richter, la chorégraphe canadienne a réglé de spectaculaires images de groupe comme des sculptures mouvantes, plus intéressantes que les petits ensembles formant le liant de cette belle pièce. Laquelle offre un joli solo à Marie-Agnès Gillot et fait briller, comme tout au long de la soirée, les danseurs de cette superbe compagnie.

 

Opéra de Paris/Palais Garnier, jusqu'au 8 juin. À voir sur Arte jusqu'au 23 novembre.
Prochain spectacle : « La Fille mal gardée », chorégraphie de Frederick Ashton, du 27 juin au 14 juillet.
Tél. 0892.89.90.90, www.operadeparis.fr 

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin: 9670