Aucun des opéras d'Aribert Reimann (né en 1936), tous basés sur des œuvres littéraires, n'a atteint la notoriété de « Lear », créé à Munich en 1978 et dont on a pu voir à Paris, la saison dernière, une formidable reprise. La création mondiale en février 2010 de « Medea », son pendant féminin selon le compositeur, commande du Staatsoper de Vienne, n'a été suivie que de sa création allemande à Francfort en août de la même année. Les deux œuvres ont été enregistrées, pour la vidéo à Vienne (Arthaus Musik) et pour l'audio à Francfort (Oehms Classics).
Le compositeur attendait donc avec impatience la création de « Medea » dans sa ville natale. Le premier événement d'une série, avec, à partir du 25 juin, la reprise de son opéra de chambre « la Sonate des spectres » au Staatsoper, dans le cadre du festival de théâtre musical Infektion!, et à l'automne la création mondiale au Deutsche Oper de « l'Invisible », son dernier opéra.
Reimann a composé le livret de « Medea » à partir du dernier volet de la trilogie « la Toison d'or » de Franz Grillparzer, très centré sur le personnage de Médée, « présentée plus comme un être humain étranger, abandonné et vulnérable que comme une magicienne maléfique ». « Je ne pourrais m'inspirer d'un sujet qui n'aurait rien à voir avec notre actualité », disait Reimann en 2010. Sept ans après, son sujet semble encore plus d'actualité, dans le contexte actuel des migrations, de l'exclusion des migrants et de la violence du pouvoir.
Mais on sait gré au metteur en scène australien Benedict Andrews et au scénographe Johannes Schütz de n'avoir pas suivi cette piste au pied de la lettre. Leur lecture se revendique davantage de la tragédie grecque que d'une interprétation du sort des migrants dans l'Europe contemporaine. La scène vide est éclairée au néon par un énorme plafonnier blafard et recouverte d'une terre molle que creuse Médée pour y enfuir la Toison d'or et d'autres objets, puis ses garçons assassinés, figurés par des marionnettes géantes. Les costumes varient selon le caractère des personnages, le plus surprenant étant celui du Messager, confié à un contre-ténor habillé en drag-queen. Les rapports entre les personnages sont bien définis, on comprend parfaitement l'action.
Un rôle très difficile
L'écriture vocale est fidèle au style de Reimann, avec un Sprechgesang varié selon les personnages, plus ou moins haché, plus ou moins scandé, et déclamé presque à nu. Celui de Médée est d'une difficulté immense, avec beaucoup de contre-fa, soulignant le caractère inhumain du personnage (on pense plus d'une fois à celui de Lulu). On peut déplorer que l'œuvre d'une centaine de minutes ne soit pas jouée d'un seul tenant, l'entracte interrompant la continuité dramatique.
Le traitement orchestral est admirable, plus riche, plus élaboré que dans « Lear », avec l'utilisation d'instruments solistes ou de tenues de cordes pour souligner les interventions chantées, un orchestre riche en percussions. Reimann utilise toujours beaucoup les clusters instrumentaux mais parsème sa partition d'interventions tendres, quasi romantiques, de cordes à l'unisson, créant quelques pauses dans l'agitation orchestrale. On est plus dans le modernisme à la Berg ou Zimmermann que dans une modernité radicale.
Pour cette entrée au répertoire, dans un théâtre qui, depuis l'arrivée à sa tête de l'Australien Barrie Kosky, se fait un devoir de soigner la musique contemporaine, l'interprétation est superlative. Le chef Steven Sloane, à la tête de l'orchestre maison, rend justice à une partition aussi complexe que magnifique. La distribution, minutieusement choisie, est dominée par le soprano américain Nicole Chevalier dans le rôle-titre. Cette superbe chanteuse, membre de la troupe du Komische Oper, a une voix de soprano colorature venant à bout de toutes les difficultés du rôle et une forte présence dramatique. Pour le rôle de Jason, le baryton Günter Pependell est le seul à apporter un surcroît d'humanité à ses interventions vocales très périlleuses.
Le public de la première a réservé une ovation méritée à toute l'équipe, ainsi qu'au compositeur, très à l'aise au milieu de ses interprètes.
Komische Oper Berlin jusqu'au 15 juillet. Tél. + 30.47.99.74.00, www.komische-oper-berlin.de
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