« Lear » est le troisième opéra du compositeur allemand Aribert Reimann (né en 1936), écrit sur la suggestion du baryton Dietrich Fischer-Dieskau. Depuis sa création en 1978 à l‘Opéra d’État de Bavière il a remporté un succès phénoménal : déjà une trentaine de productions. C’est la première fois que l’Opéra de Paris le programme dans sa version originale. Car il y a été créé en 1982 dans une version française, sous la direction musicale de Friedemann Layer, mis en scène par Jacques Lassalle, avec Peter Gottlieb, Hélia T’Hézan, Colette Lorand et Hélène Garetti. Une production médiocre qui n’avait pas réussi à imposer en France cet immense chef-d’œuvre de l’opéra allemand du XXe siècle.
On peut espérer que c’est chose faite grâce au formidable spectacle présenté au Palais Garnier. La première a été un triomphe, autant pour son réalisateur, le Catalan Calixto Bieito, que pour l’interprète du rôle-titre, le baryton danois Bo Skovhus, pour l’orchestre maison, qui s’y est montré miraculeux, et pour le compositeur Aribert Reimann, venu recueillir des ovations bien méritées.
Le plus grand mérite de Calixto Bieito est de proposer un spectacle d’une grande clarté. On aurait pu craindre que les éternels costumes de ville des protagonistes masculins, ici option businessmen, ne brouille les pistes. Et aussi que le devenu indispensable projet vidéaste (signé Sarah Derendingen), aux intentions autant incompréhensibles que superflues, ne gâche la fête, comme lors de récents spectacles sur la même scène.
Le livret de Claus Henneberg, assez touffu tout en restant fidèle à Shakespeare, apparaît clair et l’action fluide, facile à suivre, grâce à une direction d’acteurs efficace, n’en rajoutant jamais. Le décor sobre et efficace de Rebecca Ringst participe à cette volonté de clarté, avec peu d’effets et de belles idées permettant la circulation des personnages dans l’acte de la Lande.
Pour défendre une œuvre difficile à mettre en place vocalement, un plateau de grande classe. Les deux filles avides, Goneril et Regan, à qui Lear donne son royaume après avoir répudié la sincère Cordelia, avec le symbole du partage d’un pain qui est une des belles idées de cette mise en scène, sont magistralement interprétées par Riccarda Merbeth et Erika Sunnegårdh, deux comédiennes aux voix puissantes allant au bout de la cruauté de leurs personnages. Magnifiques aussi les quatre seigneurs qui se déchirent autour de cette débandade royale, Andreas Scheibner, Kor Dusseljee, Lauri Vasar et Michael Colvin. Tout comme le Fou aux aphorismes indéchiffrables magistralement interprété, dans le style du cabaret brechtien, par le comédien Ernst Alish. Fantastique aussi la performance d’Andreas Watts (Edgar), qui passe avec une aisance insolente de la voix de poitrine à la voix de tête. On reste davantage sur sa faim avec Annette Dasch (Cordelia), qui manque un peu de la lumineuse humanité de la fille reniée venant sauver son père devenu fou. Ce père est magistralement chanté et joué par Bo Skovhus dans une forme vocale éblouissante, avec une diction allemande exemplaire, et incarnant magnifiquement la déchéance physique et mentale.
L’Orchestre de l’Opéra de Paris au grand complet (l’effectif de vents et cuivres est impressionnant), tenu et chauffé à blanc par le chef italien Fabio Luisi, a été le grand triomphateur de la soirée, donnant une exécution toujours parfaitement contrôlée de cette partition de filiation dodécaphonique, dense, riche et, paradoxalement, dans sa complexité, toujours favorable aux chanteurs, créant des climats dramatiques et mystérieux parfaitement en accord avec l’œuvre de Shakespeare.
Opéra Garnier, jusqu'au 12 juin, tél. 0892.89.90.90, www.operadeparis.fr. Sur France Musique le 18 juin à partir de 19 heures (émission « Samedi soir à l'opéra »)
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