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L'opéra à bon prix

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Publié le 24/09/2018
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Cl1-Coq d'or

Cl1-Coq d'or

Cl3-Otello

Cl3-Otello

Cl2-Lucio Silla

Cl2-Lucio Silla

« Le Coq d’or » (1), dernier opéra (1909) de Nicolaï Rimski-Korsakov, est l'une de ces œuvres satiriques et grinçantes dont les compositeurs russes ont le secret. Sous l’allure d’un conte de fées, c'est une satire féroce du pouvoir absolu des tsars. Laurent Pelly, qui a réalisé cette mise en scène très réussie en 2016 (son premier opéra russe) pour le Théâtre royal de la Monnaie de Bruxelles, fait grincer tous les rouages de cette comédie d’après Pouchkine, dans un décor stylisé de Barbara De Limburg.

La distribution, entièrement russe, est impeccable, dominée par la tsarine de Venera Gimadieva. Le rôle-titre, partagé par une danseuse et une chanteuse, est superbement incarné sous forme d’un coq géant, avec la complicité du chorégraphe Lionel Hoche. Alain Altinoglu dirige avec énormément de style et un sens théâtral aigu l’Orchestre et les Chœurs de la Monnaie. Un délice !

« Lucio Silla » (2), opéra séria composé en 1772 pour Milan par un Mozart de 17 ans, a été ressuscité au siècle dernier par deux mises en scène cultes, de Jean-Pierre Ponnelle à Zurich et Patrice Chéreau à Milan puis Nanterre, aucune des deux n’existant en vidéo commerciale. Récemment, plusieurs théâtres, comme Salzbourg et Vienne, ont tenté de donner une nouvelle vie à cet opéra, inégal dramatiquement mais passionnant musicalement.

La version publiée aujourd'hui est celle de Claus Guth, filmée en 2017 à Madrid. Elle appelle plusieurs réserves. Créée en 2005 à Vienne avec Nikolaus Harnoncourt, elle avait certainement, avec sa distribution d’alors, et quelle que puisse être la perversité de la mise en scène de l’Empire romain dans un asile psychiatrique, un impact plus fort que dans cette reprise madrilène, avec une distribution locale peu convaincante. Ivor Bolton, raide dans sa direction, est loin du génie d’Harnoncourt pour faire revivre les œuvres de jeunesse de Mozart. De la distribution viennoise restent Kurt Streit, à bout de souffle, et Patricia Petibon, qui avait fait avec le rôle de Giunia ses débuts internationaux. Si elle reste très engagée dramatiquement, la voix est cruellement incapable, en 2017, de se mesurer à nouveau à l’effroyable difficulté du rôle. Mais comme la vidéographie de « Lucio Silla » est quasi inexistante, ce document permettra à un nouveau public de découvrir l’œuvre dans des conditions acceptables.

Splendeur vocale

« Otello » (3) de Verdi, rôle dont rêve tout ténor comme d'un Everest vocal, a été abordé par la coqueluche de ce début de siècle, l’Allemand Jonas Kaufmann, au Royal Opera de Londres en juin 2017. Il le reprendra dans sa maison d’origine, l’Opéra d’État de Bavière, en novembre prochain (4). Il est dommage que Londres ne lui ait pas offert un meilleur entourage, et surtout une production moins monumentale.

Jonas Kaufmann, dont ce rôle représente les limites vocales, campe un personnage remarquable, tout en nuances vocales et psychologiques. La splendeur vocale est au rendez-vous, ainsi que son indéniable charme physique qui transcende tous les rôles qu’il aborde. Face à lui, une Desdemona sans réel charme vocal, qui assure bien sa partie (Maria Agresta), et un Iago dramatiquement insignifiant (Marco Vratogna). Cassio (rôle chanté par Kaufmann à ses débuts) est fort bien tenu par Frédéric Antoun. Les décors monumentaux de Boris Kudlička écrasent et enferment l’action et la direction d’acteurs au pied de la lettre de Keith Warner n’apporte rien au drame. Le superbe Orchestre du Royal Opera House Covent Garden, sous la direction raffinée d’Antonio Pappano, tisse un écrin de rêve à Jonas Kaufmann, qui, en attendant la production munichoise, est la seule bonne raison d’acquérir cette vidéo.

(1) 1 DVD et 1 BRD Bel Air Média
(2) 1 DVD et 1 BRD Bel Air Classiques
(3) 1 DVD et 1 BRD Sony Classical
(4) Staatsoper Munich, 23 et 28 novembre, 2, 6, 10, 15 et 21 décembre, www.staatsoper.de

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin: 9688