IDEES - Une discipline en crise

L’Histoire en quête de sens

Publié le 17/06/2013
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APRÈS AVOIR rappelé que l’Histoire est problématique « parce que les hommes qui la vivent sont eux-mêmes problématiques », ce dont on conviendra facilement, Michel Meyer (« Qu’est-ce que l’Histoire ? ») met en cause l’obsession de lui assigner un sens. Ce sont ces majestueuses synthèses vectorielles qui, de Kant à Hegel, de Comte à Marx, pensent les étapes d’un Devenir conduisant à un Progrès : le cosmopolitisme, le triomphe de l’Esprit absolu, ou la Société sans classes.

La non-réalisation de ces fins permet d’enclencher la marche arrière. Et c’est alors le déclin, qui triomphe après la première guerre mondiale, avec les théories d’Oswald Spengler ou d’Arnold Toynbee. Mais l’idée demeure, même si la flèche est orientée dans l’autre sens.

C’est au déclin de l’Europe que sont consacrés les derniers chapitres, particulièrement intéressants et souvent impitoyablement précis, du livre de Michel Meyer. Ils insistent en particulier sur un échec lié à nos démissions culturelles.

Pharmakon.

François Hartog (« Croire en l’histoire ») n’est pas très loin de ces positions lorsqu’il note la progressive disparition de la flèche du futur, le poids du présent et le progressif ensevelissement de ce dernier par le Passé et la Mémoire, la commémoration sans fin. Il en résulte un manque de croyance en l’Histoire, dont le signe le plus patent est, en 1945, le tribunal de Nuremberg. « Là, dit François Hartog, pour la première fois, les vainqueurs ont, en effet, pris la décision de juger l’Histoire, la destituant du même coup de sa fonction de tribunal du monde. »

Cette Histoire jugée – Clio mise en demeure de se souvenir qu’elle est fille de Mnémosyne (la Mémoire, mère de toutes les muses) et qu’elle doit rendre des comptes – s’enlise dans un passé-présent. Tout ceci est vraiment dommage, ajoute Marcel Gauchet, on avait encore tellement de choses à dire à l’avenir.

On voit, au travers de ces deux ouvrages, à quel point la discipline est peu à peu submergée par ses propres excès. Est-ce pour cela qu’elle est, dit François Hartog, « pharmakon », à la fois remède et poison ?

Michel Meyer, « Qu’est-ce que l’Histoire ? Progrès ou déclin ? », Puf, « L’interrogation philosophique », 110 p., 15 euros.

François Hartog, « Croire en l’Histoire », Flammarion, 300 p., 21 euros.

ANDRÉ MASSE-STAMBERGER

Source : Le Quotidien du Médecin: 9251