Made in England

Les fers de lance du « Jazzxit »

Par
Publié le 29/01/2018
Article réservé aux abonnés
Jazz-Binker et Moses

Jazz-Binker et Moses
Crédit photo : ANDY EARL

Jazz-Soweto Kinch

Jazz-Soweto Kinch
Crédit photo : DR

Shabaka Hutchings, Soweto Kinch et le duo Binker & Moses ont décidé de défier le suivisme actuel. Alors que beaucoup de musiciens de jazz de leur génération en Europe – et tout particulièrement en France ! – clonent les clones, ils ont choisi des formes musicales radicalement différentes. Plus proches d'un jazz librement improvisé, souvent déstructuré, mais toujours en recherche, en matière de composition comme d'instrumentation.

À 34 ans, Shabaka Hutchings (saxes/clarinette) est le chef de file de ce mouvement. Élevé au biberon de John Coltrane (dans sa période la plus free) et Pharoah Sanders, disciple de Marshall Allen, l'un des piliers de l'Arkestra, le grand orchestre de Sun Râ, il est aux commandes, en alternance, de deux formations, The Ancestor et Sons of Kemet. C'est avec cette dernière qu'il se produira le 7 février à Paris dans le cadre du festival Sons d'Hiver (Théâtre de la Cité internationale). Une formation, créée en 2011, à la composition instrumentale inhabituelle (outre le saxophone-ténor, un tuba et deux batteries), à la musique expérimentale et énergique qui frôle parfois, suivant les déclarations du leader, « l'hystérie collective ».

Né à Londres en 1978, élevé à Birmingham, Soweto Kinch fait partie de ces musiciens qui ont eu une influence directe et décisive, sur Shabaka Hutchings notamment. Comme de nombreux jazzmen britanniques de la nouvelle génération, le saxophoniste est une éponge musicale, capable de jongler entre le post-bop et le free-jazz, du jazz modal aux idiomes de la musique librement improvisée, introduisant ici ou là une touche de hip-hop et de ses origines antillaises. Il sera aussi le 7 février à Paris (festival Sons d'hiver, Théâtre de la Cité internationale). À la tête de son trio (Nick Judd, contrebasse, et Gregory Hutchinson, batterie), il devrait délivrer un style fait de ruptures, toujours renouvelé et évoluant résolument dans des formes contemporaines.

En ébullition

Le duo Binker & Moses (Binker Golding et Moses Boyd) est l'une des révélations de la nouvelle scène jazz britannique. Les jeunes électrons totalement libres que sont le saxophoniste et le batteur forment une paire souvent explosive, à la manière de John Coltrane et Elvin Jones, Coltrane et Rashied Ali (« Interstellar Space », 1967) ou Sonny Rollins et Philly Joe Jones. Jazz en pleine ébullition, improvisations débridées mais toujours maniées avec subtilité entre des thèmes originaux : tels sont certains des ingrédients de leur style à l'imaginaire ambitieux. Le duo se produira à Paris, au Duc des Lombards, les 31 janvier et 1er février.

Enfin, on peut retrouver la très remuante et bouillonnante nouvelle scène jazz londonienne dans une compilation dirigée par Shabaka Hutchings et intitulée « We Out There » (Brownswood Recorging, à paraître le 9 février). L'occasion de découvrir quelques-uns des éléments les plus prometteurs d'un jazz qui n'a pas peur de bousculer les habitudes, les codes et les certitudes. Une bouffée d'air frais en ces temps de consensus mollasson et de suivisme !

Didier Pennequin

Source : Le Quotidien du médecin: 9635