LE CHARME du livre tient aux divers champs parcourus. Ainsi, l’importance de l’avalanche précitée fait-elle justice du refrain : l’écran est en train de tuer l’écriture. Même si c’est au profit d’une graphomanie électronique et d’un massacre syntaxique, pour l’auteur, le bilan est positif : on assiste à une métamorphose, à une démultiplication de l’écriture, sûrement pas à sa disparition.
Pratique, économique, le message conservé sur le téléphone permet de ne pas avoir à mémoriser une adresse, il peut être envoyé d’un coup à dix personnes sans avoir à répéter les mêmes phrases, etc. Et, surtout, il évite d’avoir à parler à un être charnellement présent, opération émotionnelle toujours pénible. Curieux argument tout de même…
Amoureux largué d’un simple SMS ou travailleurs mis en demeure collectivement, par le même moyen, de ne pas se présenter le lundi suivant, ce fulgurant intermédiaire entraîne l’auteur vers des nostalgies qui l’éloignent parfois de sa propre argumentation. Car nos messages modernes ont tué le message d’antan. Il ne s’en plaindra pas, l’antique porteur de mauvaises nouvelles, qui était sacrifié. On se souviendra de façon plus heureuse que le messager était aussi l’aggelos. L’ange Gabriel annonce à Marie la venue d’un Dieu fait homme et Paul sera par la suite l’interprète de la mort cruelle du Christ, qu’il remplace par le christianisme. Que dire de ces messagers, ces go-between, qui, comme dans le film de Josef Losey, transportent des lettres brûlantes au contenu ignoré ? Déjà, le facteur ne délivre plus qu’un courrier administratif, déplore Jean-Claude Monod.
En se dirigeant vers la fin de l’opus, la pensée de l’auteur s’ancre plus profondément. D’abord en remarquant que ces messages électroniques et immatériels sont aussi bien réels, « susceptibles d’être diffusés au-delà de leurs destinataires premiers ». Qu’est-ce qui est conservé, stocké, archivé et pour quelles fins ?
D’où, bien sûr, le problème de la limite entre le privé et le public dans la diffusion, référence facile à une fuite paraprésidentielle. Ajoutons à cela les textos de DSK à des compagnons de libertinage mis sur la place publique et la transformation du Web en déversoir des passions les plus cloacales.
Mais, avec beaucoup de dialectique, Jean-Claude Monod voit dans l’affaire WikiLeaks un élément positif. La possibilité de divulguer publiquement des milliers de secrets d’État empêche ce dernier de confisquer totalement à son profit toute information.
En somme, beaucoup de riches analyses dont ce philosophe se fait l’indispensable messager.
Jean-Claude Monod, « Écrire - À l’heure du tout-message », Flammarion, 292 p., 19 euros.
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série