Besson, Guégan, Garcin, Bigot…

Les biographies romancées en pleine actualité

Publié le 19/01/2015
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Livres

Philippe Besson (« Son frère », « En l’absence des hommes », « l’Arrière-saison », « De là, on voit la mer », « la Maison atlantique ») s’attaque rien moins qu’à James Dean, avec un titre, « Vivre vite » (1), qui fait référence autant à la carrière aussi brève qu’intemporelle (quelques pièces de théâtre et trois films dont deux sortis après sa mort) de l’acteur qu’à sa mort à l’âge de 24 ans dans l’accident de voiture qui, en 1955, a jeté sa Porsche Spyder 550 contre un poteau télégraphique. Pour nous introduire dans l’intime de la destinée de cette icône du cinéma – assez petit de taille et totalement myope mais d’une beauté et d’un charme incroyables –, il donne la parole à ceux qui l’ont côtoyé depuis son enfance : sa mère, disparue alors qu’il avait 9 ans, son père, qui l’a laissé aux bons soins de ses oncle et tante dans une ferme de l’Indiana, puis tous ceux qui, de New York à Los Angeles, filles et garçons avec qui il a eu des liaisons éphémères, ont croisé la route de cette étoile filante.

Auteur d’une trentaine de livres, aussi bien des romans que des récits historiques, Gérard Guégan dévoile dans « Qui dira la souffrance d’Aragon ? » (2), une page très courte et méconnue de la vie du poète dans la France de l’après-guerre, où les communistes tiennent le haut du pavé. En septembre 1952, Louis Aragon, 55 ans, époux amoureux d’Elsa Triolet, écrivain célèbre, membre du comité central du PCF, rencontre à Paris Hervé Mahé, 28 ans, un apparatchik du Kominform, venu de Moscou en mission secrète. Le coup de foudre est réciproque et, pendant quelques jours, les amants vont vivre une liaison totale et clandestine. L’intime et l’histoire se mêlent ici, avec en fond la question de savoir s’il est possible de s’aimer sans se renier.

Jérôme Garcin aime raconter les destins brisés et rendre justice à des vies dont la brièveté cache une richesse méconnue. Avec « le Voyant » (3), il se fait le portraitiste de Jacques Lusseyran, qu’un accident a rendu aveugle à 8 ans. À 17 ans, en 1941, Lusseyran met en place un mouvement de résistance avec d’autres élèves du lycée Louis-le-Grand ; arrêté en 1943, il est déporté à Buchenwald ; à son retour il se consacre à l’enseignement en France puis aux États-Unis et à l’écriture ; il meurt dans un accident de voiture en 1971, à 47 ans. Une vie brève et exceptionnelle dont il ne reste pas grand-chose (un principe peut-être : « S’exercer à fermer les yeux est aussi important qu’apprendre à les ouvrir »), que l’auteur nous donne à voir avec empathie et le bonheur, certain de réparer une injustice.

C’est par le biais de ses mémoires, imaginés par Christophe Bigot (qui s’est fait connaître avec « l’Archange et le procureur » sur Camille Desmoulins) que l’on découvre la vie d’Henri Lehmann, un peintre académique raté bien que membre de l’Institut et professeur à l’École des beaux-arts de Paris, qui a côtoyé « les Premiers de leur siècle » (4). Sa route a croisé celles de Delacroix, Chassériau, Stendhal, Sainte-Beuve ou Chopin, et son destin a été scellé après qu’il a rencontré à Rome, où il avait suivi son maître Ingres, Franz Liszt et sa maîtresse Marie d’Agoult. Subjugué par le couple et en particulier par la comtesse, Lehman se laisse peu à peu dévorer. Fresque intime du romantisme, le roman est aussi une méditation sur les difficultés à concilier exigence morale et génie.

Vies tragiques

La veine des biographies romancées ne s’arrête pas là. Sous le titre « Baronne Blixen » (5), et par la voix d’une lettrée qui fut son « esclave consentante », Dominique de Saint Pern fait revivre Karen Blixen, alias Isak Dinesen, auteure de « la Ferme africaine » et de « Sept contes gothiques », une baronne et une aventurière, une femme moderne et libre.

Violette Nozière n’avait que 17 ans lorsque, en 1933, elle a empoisonné son père. Raphaëlle Riol s’est saisie de l’histoire de cette garçonne qui passait ses jours et ses nuits à Saint-Germain-des-Prés et qui a déchaîné les passions pendant des années, pour redessiner, dans « Ultra Violette » (6), le portrait d’une jeune fille troublante et le tableau d’un entre-deux-guerres complexe.

La Première Guerre mondiale est le tragique décor de deux livres. Dans « Soldat Jaurès » (7), Jean-Emmanuel Ducoin ressuscite Louis Jaurès, engagé volontaire à 16 ans et qui est mort sur le Chemin des Dames. De lui on ne sait rien, sinon qu’il était le fils de Jean Jaurès, chantre du pacifisme, et qu’il voulait démontrer par l’exemple que les idées de son père ne sauraient être confondues avec de la lâcheté. Et dans « les Forêts de Ravel » (8), Michel Bernard saisit le compositeur à un tournant de sa vie en 1916, lorsque, à 41 ans, engagé volontaire également, il est chargé de transporter les blessés jusqu’aux hôpitaux de campagne. Il montre comment son rapport à la musique a changé et comment, de retour à Paris avant de s’installer à Montfort-l’Amaury, il va puiser dans la guerre une énergie nouvelle.

(1) Julliard, 252 p., 18 euros.

(2) Stock, 274 p., 19,50 euros.

(3) Gallimard, 185 p., 17,50 euros.

(4) La Martinière, 409 p., 20,90 euros.

(5) Stock, 432 p., 21,50 euros.

(6) Rouergue, 188 p., 18 euros.

(7) Fayard, 224 p., 17 euros.

(8) La Table Ronde, 176 p., 17 euros.

Martine Freneuil

Source : Le Quotidien du Médecin: 9379