PEUT-ÊTRE s’est-on toujours fait de « la Célestine » une fausse image. Peut-être n’est-elle en rien cette vieille femme manipulatrice, débrouillarde, habile à jeter des sorts, à confectionner d’étranges breuvages, à refaire des virginités aux jeunes filles coupables. Peut-être y a-t-il en elle une innocence, voire une pureté, que les interprètes, jusqu’à présent, n’avaient pas exprimées. Hélène Vincent, si petite et frêle, cheveux blonds lâchés, visage lisse et pieds nus, ressemble plus à un esprit qui court dans les bois qu’à une inquiétante vieille mère maquerelle. Cela donne une autre couleur à la pièce et la rééquilibre. Ce n’est pas pour rien que Fernando de Rojas avait intitulé sa pièce « Comédie tragique de Calixte et Mélibée » et précisé qu’elle avait été « écrite pour blâmer les amoureux fous, qui, vaincus par l’appétit désordonné appellent leurs amies Dieu, et prévenir contre la turpitude des intermédiaires ».
Tout est dit. Quoi de plus naturel que ces enfants qui s’aiment, que ces poussées de désir, que ces fièvres, que ces mensonges aux parents, que ces aventures nocturnes, furtives et souvent frustrantes ? « La Célestine », c’est un roman d’aventures, une tragicomédie dont on imagine qu’elle pourrait être heureuse, désinvolte et laisse les amoureux vivre leur vie. Mais tout d’un coup le ton change. La Célestine est assassinée à coups de poignards acharnés et tous les jeunes gens vont mourir, laissant à la fin le père de Mélibée (Yasmina Remil) déplorer la mort de sa fille unique en un moment d’une puissance déchirante. Alain Rimoux donne à la belle traduction de Florence Delay une dignité bouleversante, comme le font, au long cours, Hélène Vincent et les merveilleux jeunes interprètes de la troupe.
TNP de Villeurbanne, en alternance avec « Don Juan » (tél. 04.78.03.30.00), jusqu’au 27 février. Durée : 3 h 30, entracte compris. La traduction de Florence Delay est publiée par « l’Avant-scène théâtre » avec un dossier documentaire (12 euros).
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