Trois musiciens, trois climats

L'éloquente poésie de la guitare

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Publié le 12/11/2018
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Jazz-John Scofield

Jazz-John Scofield
Crédit photo : UNIVERSAL

Jazz-Biréli Lagrène

Jazz-Biréli Lagrène
Crédit photo : PHILIPPE LEVY-STAB

Miles Davis a toujours eu du flair pour dénicher ses accompagnateurs. Comme les guitaristes John McLaughlin, Mike Stern, Marcus Miller ou John Scofield. Après son passage chez le trompettiste au début des années 1980, ce dernier entame une très brillante carrière de soliste et de sideman. En 2017, il a formé un supergroupe, le quartet Hudson, avec John Medeski (claviers), Larry Grenadier (contrebasse) et Jack DeJohnette (batterie).

Pour son dernier album, « Combo 66 » (Verve/Universal), Scofield est merveilleusement secondé par le très talentueux Gerald Clayton (piano/orgue), Vicente Archer (contrebasse) et le fidèle Bill Stewart (batterie). Le guitariste, toujours novateur, apporte, avec brio, virtuosité et une nouvelle combinaison instrumentale gagnante, une pierre magique à son édifice phonographique. Cela autour de compositions originales (dont « King of Belgium », en hommage à l'harmoniciste Toots Thielemans) dans lesquelles les esprits du blues et du funk frappent fort et pleinement. Le musicien sera le 17 novembre à La Seine Musicale, à Boulogne-Billancourt.

Sérénité

Atmosphère et climat bien différents chez Wolfgang Muthspiel, écurie ECM oblige ! Retrouvant les coéquipiers hors norme de son CD précédent (Ambrose Akinmusire, trompette, Brad Mehldau, piano, Larry Grenadier, contrebasse, Eric Harland, batterie, en remplacement de Brian Blade), le guitariste et propriétaire de label autrichien propose, dans son nouveau disque, « Where The River Goes » (ECM/Universal), huit titres originaux aux allures aériennes, souvent sereines et d'une extrême limpidité.

Comme influencé par cet environnement musical éthéré et presque placide, son fabuleux casting se prête volontiers au jeu d'une haute intensité envoûtante. Assez étonnant de la part de jazzmen comme Ambrose Akinmusire et Eric Harland, habitués à plus de rythmes, de pulsations et de chorus énergiques. Reposant donc.

C'est encore une ambiance opposée qu'offre Biréli Lagrène. Élevé dans la tradition du jazz manouche, l'Alsacien s'est très rapidement orienté vers le jazz-rock et fusion, tout en maintenant vivant son héritage et combinant ses passions. Qui se dévoilent dans « Storyteller » (Naïve/Believe).

En trio avec Larry Grenadier, contrebassiste omniprésent, et le Français Mino Cinelu, l'un des meilleurs percussionnistes au monde, un temps accompagnateur de Miles Davis, le guitariste plonge, corps, âme et instrument, dans certains des plus réputés standards de jazz. La musique, sublimée par la virtuosité du leader et l'homogène solidité de ses partenaires, provoque des étincelles et des nuées de swing et de funk autour de thèmes comme « Stella by Starlight », « On Green Dolphin Street », « Freedom Jazz Dance » ou encore « Estate ». Le trio en fait des tonnes pour le meilleur d'un jazz inaltérable.

Pour les amateurs : la 7e édition de Guitares au Beffroi, à Montrouge du 22 au 24 mars, avec Lucky Peterson, Bill Deraime et Angelo Debarre.

Didier Pennequin

Source : Le Quotidien du médecin: 9701