Leçons de piano

Carla Bley, 80 ans, a été une des toutes premières femmes à s'imposer dans le monde très masculin des instrumentistes. Au départ compositrice, la pianiste a fait deux rencontres décisives pour sa carrière : son premier mari et alter ego Paul Bley (décédé au début de 2016), puis le chef d'orchestre Michael Mantler dans les années 1960, alors que le jazz était en pleine révolution. Sans oublier sa participation au légendaire Liberation Music Orchestra du contrebassiste Charlie Haden en 1968.

Pendant longtemps son travail se développe, s'enrichit et évolue au sein de grandes formations, notamment le Carla Bley Band. Sa carrière prend un autre tournant à l'aube des années 1990, quand elle rencontre son nouveau pygmalion, le bassiste Steve Swallow. Dès lors, elle commence à se produire en petite formation.

C'est à la tête de son trio fétiche (outre S. Swallow, Andy Shepard, saxes) qu'elle vient d'enregistrer « Andando el Tiempo » (ECM/Universal). Cinq nouveaux morceaux originaux, dont une suite en trois mouvements donnant le titre à l'album, qui servent de point de départ à des conversations et des joutes animées. Elles révèlent surtout un Andy Shepard (au soprano) maître de son art, jonglant entre lyrisme et expressionnisme, soutenu judicieusement par deux glorieux aînés.

Réhabilitation

Également octogénaire, le pianiste et plasticien Les McCann n'a jamais été reconnu à sa juste valeur dans le monde du jazz contemporain, surtout en France. La raison ? Au faîte de sa renommée, au milieu des années 1960, il fut l'un des pionniers du soul jazz, un style jugé commercial, expansif et explosif, rythmiquement coloré et plein d'un swing débordant et communicatif. Son morceau d'anthologie : « Compare To What » (1969), gravé avec son complice Eddie Harris (ténor-saxe).

Quelques années auparavant, en 1961, le pianiste et son trio (Herbie Lewis, contrebasse, Ron Jefferson, batterie) avaient entamé leur première tournée européenne, passée par la 2^e édition du festival d'Antibes/Juan-les-Pins, où il avait volé la vedette à… Ray Charles, et, le 28 juillet, par le célèbre club parisien Le Caméléon. « Les McCann Trio - 28 juillet 1961 », dans la collection « Live in Paris » (Frémeaux & Associés), est un double CD très soulful, qui permet de (re)découvrir ces instants magiques et historiques. Et surtout de réhabiliter un leader habité par un swing généreux rempli d'extase. Une vraie rareté.

Coup de cœur

L'école de jazz de Tel Aviv est une pépinière. Dernière révélation, le pianiste franco-israélien Jeremy Hababou. Découvert et invité par la chanteuse Anne Ducros, il cite comme références aussi bien Art Tatum, Bud Powell ou encore Thelonious Monk que Ravel, Bach et Debussy. C'est grâce à ces solides appuis musicaux qu'il vient d'enregistrer son premier disque, « Run Away » (Gaya Music/Socadisc), pour lequel il a notamment invité le batteur tout-terrain Ziv Ravitz. Au programme : plusieurs compositions originales, un standard de Joe Henderson, un titre inspiré par Moussorgski et une magnifique et émouvante reprise d’« Avec le temps » de Léo Ferré. Un authentique coup de cœur, à découvrir le 9 juin à Paris, au Duc des Lombards.