Athlètes et dribbleurs

Le sport, nouvel opium du peuple ?

Publié le 30/06/2014
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Idées

Faisons d’abord justice d’une calomnie usée comme la sole d’un marathonien. Beaucoup de penseurs ont célébré l’intelligence de l’athlète. Celui-ci, disait Alain, n’est pas une boule de muscles qui se détend de manière incoercible, mais un être conscient utilisant son corps avec calme et précision. Il y a un pilote dans le navire, aurait dit Descartes.

Professeur de philosophie à Toulouse, Jean Delord nous fait retrouver l’origine et le sens de la course dans la Grèce antique. Nous voilà, grâce à sa prose helléniquement charmeuse et cultivée, dans le stade d’Olympie en 1100 av. J.-C. Le culte de Zeus amène la déification d’Héraclès. En plus de ses célèbres travaux, le sur-héros grec fait étalonner le sable et crée la première piste à Olympie. Ceci, nous dit gravement l’auteur, « dans un souci géométrique, méditatif et religieux ». Alors il faut courir et, grâce à Delord, nous courons sur cette cendrée immortelle, entre la tatillonne mesure humaine et l’éternité bienveillante de Zeus.

Mais la course appartient aujourd’hui « au chromo et au chrono », comme le foot au capitalisme et à l’obsession du score. Jean-Claude Michéa, qui, déjà, en 1998, avait écrit « les Intellectuels, le peuple et le ballon rond » (Climats), part en guerre contre l’image fric et rentabilité du dit sport.

Il lui oppose la beauté du jeu qui visiblement a bercé son enfance. Le style plus que la finalité, tel qu’il s’exprime dans la phrase de Cantona, « Mon plus beau but ? C’était une passe », en fait une réplique du « génie » dans le film de Ken Loach « Looking for Eric ». Le foot est une morale !

Ceux qui, comme l’auteur de ces lignes, ne supportent pas le matraquage médiatico-footbalistique de la Coupe du monde, opteront pour la – certes peu nuancée – définition de Jean-Marie Brohm, sociologue du sport : « Jeu pratiqué par des analphabètes en short, pour le seul plaisir de masses fanatisées et abruties par l’alcool. »

Jean Delord, « Petite philosophie de la course à pied », François Bourin, 107 p., 14 euros.

Jean-Claude Michéa, « Le Plus Beau But était une passe », Climats, 145 p., 15 euros.

André Masse-Stamberger

Source : Le Quotidien du Médecin: 9339