À l'Opéra de Paris, le Lac des cygnes

Le lac des doutes

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Publié le 11/03/2019
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Danse-Lac des cygnes

Danse-Lac des cygnes
Crédit photo : JULIEN BENHAMOU/OPÉRA DE PARIS

Beaucoup d’encre a coulé avant même que ne se lève le rideau sur la 268e représentation à l’Opéra de Paris d'un spectacle qui semble éternel dans les décors d’Ezio Frigerio et les costumes de Franca Squarciapino, qui a été diffusé dans les cinémas UGC et reste visible sur Culturebox (le site de FranceTV). D'abord sur le petit scandale que fut la levée de boucliers des danseurs contre l’invitation du sulfureux danseur russe Sergei Polunin, fan du président Poutine au point d’avoir son portrait tatoué sur le corps et surtout responsable de propos homophobes et grossophobes (notamment dans une vidéo réalisée par David LaChapelle, dans laquelle il danse sur « Take Me to Church » de Hozier, vue plus de 26 millions de fois sur YouTube).

Cette série de 20 représentations (jusqu'au 19 mars) n’est donc proposée qu'avec des danseurs maison, avec des choix dont on a beaucoup reproché la partialité à la directrice de la Danse, Aurélie Dupont. N'ayant pu assister aux premières représentations avec des interprètes aguerris, nous avons pu voir trois plus jeunes danseurs censés représenter la relève.

Mais avant de parler de ces solistes, il faut évoquer la production, qui accuse un peu ses 35 ans. Pas plus en étant placé très près de la scène qu’en la regardant sur Culturebox, on ne peut juger du formidable impact géométrique des danses de genre comme de l’acte blanc (les cygnes), que Noureev a eu le génie de garder tels que dans la version russe de Petipa et Ivanov. Ce qu’il a ajouté de psychologie, de mise en scène personnelle au ballet tient mieux le coup que les décors, dont le chic italien résiste mal au passage de Garnier à Bastille.

Un couple convaincant

Le couple Siegfried/Odile-Odette, avec la danseuse étoile Myriam Ould-Braham (qui avait déjà dansé lors de la dernière reprise) et le premier danseur Paul Marque (qui débutait dans le rôle et avait superbement dansé lors des premières représentations le Pas de trois du premier acte) était bien équilibré. Elle, beaucoup plus dans l’introspection que dans le pathos, lui sobre, parfois un peu froid mais pas inexpressif. Tous les deux au niveau des terribles exigences techniques de ces rôles que Noureev a truffés de difficultés, aucun ne tirant la couverture à lui, ni ne se rendant coupable de cabotinage. Autre surprise, le Wolfgang/Rothbart d’Axel Magliano, magnifique danseur, avec la grande classe nécessitée par ce rôle double. Sans oublier trois excellents sujets pour le fameux Pas de trois : Alice Catonnet, Bianca Scudamore et Francesco Mura, étonnant de technique et d’impact.

Le corps de ballet nous a semblé moins parfait et rigoureux, avec un laisser-aller inhabituel même en fin de série. L’Orchestre de l’Opéra de Paris qui accompagne le Ballet n’a pas toujours la même composition que celui qui joue les nouvelles productions d’opéra. Il est très choquant ici que la différence de qualité et de motivation des musiciens soit si grande. Ce que l’on a entendu sous la direction de Valery Ovsyanikov frisait trop souvent la routine. Si être un bon chef de ballet consiste à adapter à l’extrême les tempi aux possibilités des danseurs, alors ce chef a dû les satisfaire, mais pas les oreilles des spectateurs.

www.operadeparis.fr

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin: 9731