Offenbach et Chostakovitch à l’Opéra de Lyon

Le grand écart

Publié le 11/01/2016
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" Le Roi Carotte »

" Le Roi Carotte »
Crédit photo : STOFLETH

La deuxième scène lyrique de France a voulu faire preuve d’originalité pendant les fêtes en programmant « le Roi Carotte », une œuvre rarement jouée depuis sa création en 1872. Un opéra-bouffe féerie dans lequel Offenbach, sur un livret de Victorien Sardou, se livre à son passe-temps favori, la satire théâtrale du Second Empire et de la jeune Troisième République. L’Opéra de Lyon a fait appel à Laurent Pelly, dont le palmarès compte quelques mises en scène mémorables d’Offenbach : « la Vie parisienne » et « Orphée aux Enfers » sur la même scène et « la Belle Hélène » et « la Grande-Duchesse de Gerolstein » au Châtelet.

À sa création « le Roi Carotte » comportait six heures de musique et un contenu humoristico-politique très développé. Offenbach le réduisit plus tard à trois heures. Pelly et la dramaturge Agathe Mélinand ont dû encore couper, pour obtenir une version de deux heures et quinze minutes. Une véritable adaptation, qui ne peut en aucun cas rendre compte de l’œuvre à son origine.

Nous n’avons pas été convaincus par ce spectacle. Il a de grandes qualités, notamment des costumes originaux (signés Pelly), quelques tableaux mémorables et un final hilarant. Mais l’ensemble n’est pas cohérent. Déception aussi face au décor de Chantal Thomas, à la fois trop austère et sombre pour une féerie et trop touffu dans certains détails inutiles. Pelly manie à merveille le second degré, nerf de la guerre dans les œuvres d’Offenbach sur des livrets de Meilhac et Halévy, mais Sardou ne s’y prête guère et, on le répète, les coupures, certes indispensables, dénaturent complètement la vocation première de l’ouvrage.

La mise au goût du jour des dialogues par Agathe Mélinand comporte son lot habituel de vulgarités, peut-être même un peu plus qu’habituellement. Bref, la sauce ne prend pas. C’est d’autant plus regrettable que la distribution est formidable, avec dans le rôle-titre l’excellent et impayable Christophe Mortagne et dans celui de Fridolin XXIV Yann Beuron, autre spécialiste de l’opéra et de l’opérette français. Excellents aussi Jean-Sébastien Bou (Pipertrunck), Antoinette Dennefeld (Cunégonde) et tous les chanteurs du Studio de l’Opéra de Lyon, pépinière de talents, dans les très nombreux rôles secondaires qui foisonnent dans cette œuvre d’une haute fantaisie scénique. Le Chœur, d’habitude excellent, est lui aussi décevant, non en ce qui concerne son aptitude à la comédie, absolument parfaite, mais par la médiocre qualité de l’élocution, rendant difficile la compréhension de l’action, ainsi que par la direction de Victor Aviat, qui peine à donner une unité à un spectacle à la recherche du rythme juste. Il serait injuste de ne pas signaler que le spectacle présenté au moment des fêtes de fin d’année a remporté un véritable triomphe (1).

Un opéra maudit

À partir du 23 janvier, c’est le drame qui prendra place sur la scène lyonnaise avec « Lady Macbeth de Mzensk », l’opéra maudit de Dimitri Chostakovitch d’après Nicolas Leskov, inspiré d’un fait-divers sordide de la province russe. Pour cette coproduction avec l’English National Opera, où il a été donné l’automne dernier, on a fait appel au metteur en scène russe Dmitri Tcherniakov, auteur de mises en scènes mémorables du répertoire russe, notamment le fameux « Eugène Onéguine » du Bolchoï vu à l’Opéra de Paris, « la Khovanchtchina » à Munich et « le Prince Igor » pour le Metropolitan Opera de New York. C’est Kazushi Ono qui dirigera ces représentations lyonnaises avec une distribution prestigieuse comportant Ausrine Stundyte et Vladimir Ognovenko dans les rôles principaux (2).

(1) « Le Roi Carotte » est disponible sur Culturebox jusqu’au 3 juillet (www.culturebox.francetvinfo.fr).

(2) Opéra de Lyon du 23 janvier au 6 février (tél. 04.69.85.54.54, www.opera-lyon.com).

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du Médecin: 9461