On croyait tout savoir d’eux, car ils ont souvent raconté leur rencontre sur un quai de métro, le faux fond de placard qui permit au petit Serge d’éviter l’arrestation, les tentatives en Allemagne pour retrouver d’atroces criminels bien protégés, la gifle de Beate au chancelier Kiesinger le 7 novembre 1968 à Berlin.
Mais Serge, qui déteste cette rituelle appellation de « chasseur de nazis », tient d’abord à redire l’immensité de ce qu’il nomme un crime presque parfait. « En pleine civilisation, en se servant de procédés méthodiques, la cruauté raciale des nazis a exterminé six millions de juifs. Six millions de femmes, d’hommes et d’enfants qui ont succombé dans des conditions les plus atroces, à un mélange fatal de mystique barbare et d’esprit administratif. »
Le livre tient aussi à réaffirmer que l’idée de punition des crimes nazis demeure un mythe. Bien sûr, il y eut Nuremberg, procès au cours duquel la spécificité juive fut escamotée. Il y eut le procès Eichmann à Jérusalem, faisant suite à une action israélienne, un coup de force par défaut de légalité.
Dans l’ensemble, affirme Serge Klarsfeld, « les Allemands n’avaient presque rien fait eux-mêmes pour punir les architectes de la Solution finale ». Pourtant, 90 % des criminels nazis se trouvaient en Allemagne ou en Autriche. Retardant les comparutions, organisant des instructions interminables, ne prononçant que des sentences clémentes, les tribunaux d’outre-Rhin ont permis à de nombreux criminels de vivre très décemment sans avoir à se cacher. L’exemple le plus atroce est celui du général Lammerding, bourreau d’Oradour-sur-Glane, placé dans une situation juridique interdisant de le juger en France ou en Allemagne.
Il ne faut pas s’en tenir, dit ce petit livre, à de réels coups d’éclat, Klaus Barbie débusqué en Bolivie, la comparution des sinistres officiants de bureau Bousquet et Papon. Il faut voir aussi l’énorme travail d’historien qui a consisté à retrouver la composition des trains partis de Drancy vers Auschwitz, où périrent 80 000 juifs de France.
Chasseur de nazis, sans doute, mais surtout, dit Serge Klarsfeld, d’« âmes juives disparues ». Un livre aussi émouvant que salutaire au moment où naît une nouvelle barbarie sous couvert d’antisionisme.
* Fayard/Flammarion, 687 p., 26 euros.
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