La saison 2018-2019 a été annoncée en ouverture de la soirée par le directeur Stéphane Lissner. Beaucoup de satisfecits et de déclarations d’intention dans ce discours, qui insistait sur la nécessité de ne pas figer le genre opéra dans le passé, en le confiant à des créateurs charger de le faire coller à l’actualité (par moments, on croyait entendre à nouveau Gérard Mortier). Le goût de cendres laissé par de récentes productions, comme « la Bohème » confiée à Claus Guth, laissait planer le doute à ce sujet. La fonction pédagogique des maisons d’opéras était escamotée : comment un jeune public va-t-il apprendre le répertoire, fut-il invité à des soirées aux tarifs très préférentiels, si ce qu’il voit sur scène ne correspond pas au livret de l’œuvre ?
Des différentes interventions, seule celle du directeur musical Philippe Jordan nous aura paru satisfaisante, en situation, et claire sur la politique musicale de la maison. Celle d’Aurélie Dupont, directrice de la Danse, d’une grande élégance de langage, sonnait un peu creux et n’était pas très claire sur la parité classique-moderne du répertoire (et le programme semble dire autre chose…). Parmi les metteurs en scènes et chorégraphes, Robert Carsen a rapporté son expérience de façon pédagogique, mais l'intervention de Romeo Castellucci était nébuleuse et celle de Mats Ek laborieuse.
Pour la partie spectacle, l’Opéra de Paris s’était donné du mal, compte tenu de la disponibilité des artistes, et il y eut de bons moments. On retiendra côté ballet le duo sur « Trois Gnossiennes » de Satie par Hans Van Manen, chorégraphe d’une grande inventivité rare à Paris, superbement dansé par Ludmilla Pagliero et Hugo Marchand, œuvre qui figurera l'an prochain dans un programme composé. Et « Blake Works I », pas de deux de Forsythe, avait de l’allure, dansé par Léonore Baulac et François Alu.
Le volant lyrique n'a pas été le meilleur de la soirée, mais pour le chant ce l’était, avec la scène de reconnaissance de « Simon Boccanegra » de Verdi par Ludovic Tézier et Sondra Radvanovsky. Tézier est au sommet de ses moyens vocaux et stylistiques et ce duo laisse augurer de sa splendide prise de rôle en novembre dans une nouvelle production de Calixto Bieito.
Pas de participation de l’orchestre maison, mais quelques musiciens de l’ensemble Cappella Mediterranea de Leonardo García Alarcón pour une Passacaille d’« Armide » de Lully, qui symboliquement ouvrait le programme, et pour « Forêt paisible » des « Indes Galantes », autre nouveau spectacle (décembre 2019), qui sera mis en scène par Clément Cogitore avec une belle distribution de chanteurs français (Devieilhe, Fuchs, de Barbeyrac…).
Création et reprises
De cette saison 2018/2019 (programme sur le site de l’Opéra de Paris*), on peut dire aussi qu’elle comportera pour le lyrique beaucoup de reprises de production pas toujours très exaltantes, comme « La Cenerentola » (Galienne), « la Flûte enchantée » (Carsen), « Carmen » (Bieto) ou « Don Pasquale » (Michelietto). Celle de « Tristan et Isolde » (Sellars/Viola), qui ouvrira la saison, sera dirigée par Philippe Jordan et accueillera une nouvelle distribution.
Beaucoup de chanteurs de premier plan sont invités mais dispersés dans des distributions souvent inégales : Alagna, Harteros (réputée pour ses annulations de dernière heure), Damrau, Skovhus, Tézier, Garanca, Yoncheva, Serafin. L’ensemble ne nous semble pas digne d’une première scène lyrique nationale pratiquant de tels prix de places.
Parmi les événements annoncés, une création mondiale, « Bérénice », de Michael Jarrell, soigneusement préparée par Philippe Jordan, qui la dirigera dans une mise en scène de Claus Guth avec Bo Skovus, Barbara Hannigan, Florian Boesch.
On retrouvera les metteurs en scène favoris de Gérard Mortier, dont les productions sont souvent contestées : Dmitri Tcherniakov mettra en scène « les Troyens » de Berlioz (hommage à l’ouverture de Bastille), Krzysztof Warlikowski « Lady Macbeth de Mzensk » de Chostakovitch, et Barrie Kosky débutera à Paris avec « le Prince Igor » de Borodine dirigé par Philippe Jordan.
Côté danse, la première saison entièrement conçue par Aurélie Dupont réunira la compagnie de Martha Graham, l’Israélien Ohad Naharin, Marco Goecke, Anne Teresa De Keersmaeker, Mats Ek, Wayne Mc Gregor, Hiroshi Sugimoto, Crystal Pite. Elle comportera relativement peu de spectacles classiques ou néoclassiques, des reprises de Noureev, Neumeier et Jerome Robbins.
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