Destins croisés, le chasseur et le monstre

À la poursuite du mal

Publié le 28/04/2014
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Crédit photo : DR

Idées

Hanns Alexander est né dans une famille juive allemande aisée. Son père Alfred est médecin, avec son épouse Henny ils ont quatre enfants, dont Paul, le jumeau de notre héros. Dès janvier 1936, la pression nazie sur les juifs berlinois s’intensifie, une horreur progressive souvent racontée, qui conduit la famille à émigrer en Angleterre en septembre de la même année. Surmontant assez bien l’écartèlement entre deux langues, Hanns s’engage à fond pour son nouveau pays et se voit rattaché à la fin de la guerre à un groupe britannique d’interrogation dans les camps, le WCIT-1 (War Crimes Investigation Team).

En mai 1945, il découvre l’horreur de Belsen et ses milliers de cadavres amoncelés à l’air libre. Nombre des nazis dirigeant ce camp avaient été employés à Auschwitz, sous les ordres de Rudolf Höss, mis en tête de la liste noire des criminels de guerre. Pour Hanns, c’est le début d’une très longue et obsédante traque.

Après le chasseur, Thomas Harding éclaire la carrière de la proie, qui se dérobe longtemps. La carrière exemplaire d’un nazi orthodoxe : en poste à Dachau puis à Sachsenhausen, il sera remarqué par Himmler pour ses compétences dans la cavalerie et entrera donc à la tête d’une écurie SS.

Le soin que Höss a mis à gérer Auschwitz, son perfectionnisme, dans la construction des chambres à gaz en particulier, son absence totale d’émotions quant à sa tâche, recoupent le portrait du héros de Robert Merle dans « la Mort est mon métier ». Repéré et coincé par Hanns dans la lointaine ferme de Gottrupel où il se cachait, Rudolf Höss fut pendu à Auschwitz (Oswiecim en polonais) par les Polonais, le 16 avril 1947, à quelques pas du crématorium. Non sans avoir écrit à l’un de ses fils, peu avant son exécution : « En devenant un homme, laisse-toi guider en premier lieu par la chaleur et l’humanité. »

L’histoire de cette traque se lit avec intérêt, mais, même si l’auteur s’en explique avec une grande franchise, on ressent une véritable gêne due à l’emploi des deux prénoms, Hanns et Rudolf. Ne tombons pas dans le piège qui consisterait à dénier à Höss la qualité d’être humain ou de penser qu’on peut renvoyer dos-à-dos les deux acteurs. Mais il y a trop de tendresse dans l’attribution d’un prénom pour que cela convienne à un criminel responsable de la mort de plus de 3 millions d’êtres humains.

Thomas Harding, « Hanns et Rudolf », Flammarion, 430 p., 21,90 euros.

* Ne pas confondre avec Rudolf Hess, grand ami de Hitler, condamné à la prison à vie au procès de Nuremberg.

André Masse-Stamberger

Source : Le Quotidien du Médecin: 9322