« Home », de David Storey

Il était une fois l’asile

Publié le 29/10/2015
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Des personnages bouleversants

Des personnages bouleversants
Crédit photo : DUNNARA MEAS

La pièce de l’Anglais David Storey a été créée à Londres en 1970 et à Paris par Claude Régy en 1973, dans une traduction de Marguerite Duras, avec notamment Michael Lonsdale et le jeune Gérard Depardieu. Elle date des années de l’antipsychiatrie, de la mise en cause de l’hôpital. Elle fit une très profonde impression. On a revu parfois cette pièce et elle est aujourd’hui à l’affiche du Théâtre de l’Œuvre, dans une nouvelle traduction de Hazel Karr et une adaptation et mise en scène de Gérard Desarthe.

David Storey, qui a toujours procédé intuitivement, en imaginant un espace où les personnages pénètrent, et sans jamais savoir où il va, a donné avec « Home » une pièce puissante qui parle de solitude, d’âmes en souffrance, de paumés. Il parle de la solidarité de l’enfermement. Il écrit dans le droit fil de Beckett, de Ionesco.

L’auteur ne donne pas beaucoup d’indices. La scénographie de Delphine Brouard laisse sourdre le sentiment de la prison, de l’asile. Elle signe les costumes, très années 1970. On voit surgir les personnages. Des gens dont on devine qu’ils sont déclassés par la société mais qu’ils tentent de faire face. En particulier les deux hommes. Harry, Gérard Desarthe, et Jack, Pierre Palmade, dont on n’oublie pas qu’il est un comédien remarquable. Le dialogue de ces deux personnages est fascinant et les deux interprètes sont hallucinants de vérité. Deux femmes bientôt. Marjorie, Valérie Karsenti, rousse et neurasthénique, et Carole Bouquet, blonde, choucroutée, nymphomane qui rit trop fort. Elles aussi sont étonnantes. Un dernier personnage, celui qui a vraiment largué les amarres, Alfred, est joué par Vincent Deniard.

« Home » parle de ceux qui n’ont plus d’identité sociale. Des reclus. Des enfermés. Des âmes sans domicile fixe. C’est poignant. Très elliptique. Cela nous parle encore. Cela dit quelque chose des rejetés de la vie, de la souffrance mentale et métaphysique. Cela parle de solitude. On pense à Beckett, et à Ionesco pour la clownerie désespérée. On pense à Pascal aussi : ils sont embarqués, nous sommes embarqués. Et les comédiens sont admirables.

Théâtre de l’Œuvre, à 21 heures du mardi au samedi, en matinée le samedi à 18 heures et le dimanche à 15 heures. Durée : 1 h 35. Jusqu’au 20 décembre. À noter l’excellent programme, avec un dossier documentaire et le texte de la pièce (10 euros). Tél. 01.44.53.88.88, www.theatredeloeuvre.fr.
Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du Médecin: 9445