À l'Opéra de Paris

Hommage à Jerome Robbins

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Publié le 12/11/2018
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Danse-A Suite

Danse-A Suite
Crédit photo : SÉBASTIEN MATHÉ/OPÉRA DE PARIS

Danse-Fancy Free

Danse-Fancy Free
Crédit photo : SÉBASTIEN MATHÉ/OPÉRA DE PARIS

Avec la Martha Graham Company en septembre et une appropriation un peu ratée d’une œuvre de Nehad Naharin en octobre (« le Quotidien » du 15), la saison du BOP avait-elle vraiment commencé ? L'Opéra semblait répondre non en programmant le défilé du Corps de ballet, qui traditionnellement ouvre la saison, en préambule des deux premières représentations du programme en hommage au chorégraphe américain Jerome Robbins.

Un défilé un peu particulier, car c‘était le dernier pour deux danseurs étoiles : Karl Paquette, qui partira à la retraite le 31 décembre, et Josua Hoffalt, qui, blessé, n’a pas dansé depuis une saison et quitte la compagnie avant l’âge limite dans la discrétion. Deux places de danseurs étoiles seront donc vacantes en 2019.

Robbins est déjà largement présent dans le répertoire du BOP, avec 16 pièces, dont il a, pour la plupart, assuré la création parisienne, au cours d’un séjour prolongé en France avant sa disparition en 1998. « Fancy Free » (1944) est la 17e à y entrer, grâce au maître de ballet américain Jean-Pierre Frohlich, du Jerome Robbins Trust, qui a réglé l’ensemble de la soirée.

Des marins à Manhattan

Coup d’essai génial des jeunes Robbins et Bernstein, fraîchement débarqués à New York dans une Amérique en guerre, « Fancy Free » était un pur produit de l'air du temps. L'argument : la journée à Manhattan de trois jeunes permissionnaires de la Navy, qui essaient de séduire trois jeunes femmes avec danses, cabrioles, bagarres. Le succès fut tel que les deux compères en firent un musical, « On the Town », précédant le succès planétaire de « West Side Story ».

Bien qu’ils aient totalement intégré l’esprit de l’œuvre, les six jeunes interprètes de la deuxième distribution n’avaient pas la fluidité et l’énergie requises, qui semblent avoir été présentes chez les danseurs étoiles des premières.

Le BOP n’a que l’embarras du choix pour monter des soirées consacrées à Robbins. La dernière, en 2016, avec une pièce de Benjamin Millepied, alors directeur de la Danse, et trois pièces romantiques de Robbins (« En Sol », « In the Night », « The Concert ») a fait l’objet d’une captation (BRD ou DVD collector richement illustré, Bel Air Classics).

L'hommage de 2018 (jusqu'au 14 novembre) comprend « A Suite of Dances », pièce magique créée en 1994 pour Michael Barychnikov sur « Suites pour violoncelle seul » de Bach. Nicolas Le Riche en a été un interprète inoubliable. Le premier danseur Paul Marque reprend le flambeau avec beaucoup de grâce, d’humour et une belle technique. On n’en dira pas autant de la violoncelliste Sonia Wieder Atherton, dont la présence sur scène paraît un luxe, mais dont le son épais et la prestation paresseuse sont plutôt décevants.

Le meilleur moment de la soirée, dans cette deuxième série de représentations, est l’inusable « Afternoon of a Faun » (1953),avec  l’argument de Nijinsky sur la musique de Debussy transposé dans un studio de danse. Les jeunes danseurs étoiles Léonore Baulac et Germain Louvet sont parfaits, tant pour le style que pour la grâce et le mystère apporté à cette étonnante chorégraphie à l’éternelle longévité.

La soirée s’achève par « Glass Pieces » (1983), exercice d’une grande complexité sur des compositions de Philip Glass, avec deux solistes et une grande partie de la compagnie, la géométrie des lignes chorégraphiques calquant celle de la musique répétitive. Bien que parfaitement réglé, l’ensemble n’a pas la perfection qui le caractérisait lors des dernières reprises.

Soirée inégale donc, également d'un point de vue musical. Car si la fraction de l’Orchestre de l’Opéra de Paris présente dans la fosse sous la direction du chef russe Valery Ovsyanikov montre une belle dynamique dans la musique de Bernstein, elle semble moins motivée pour exalter la magie debussyste et un peu en retrait de la perfection que demande la partition de Glass.

Prochains spectacles du BOP : « Cendrillon » (Prokofiev/Noureev), à Bastille, et « la Dame aux Camélias » (Chopin/Neumeier) au Palais Garnier.

 

 

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin: 9701