Trente-cinq ans après « le Nom de la rose », Umberto Eco montre, dans « Numéro zéro » (1), les liens ambigus existant entre la presse et le pouvoir. Son propos est quasi universel mais il situe l’intrigue – qui débute par l’assassinat d’un journaliste – à Milan dans les années 1990, sous le règne de Silvio Berlusconi. Sous la houlette d’un directeur paranoïaque, cinq hommes et une femme qui ont tous plutôt raté leur carrière et leur vie, sont conduits à créer, sous couvert de recherche de la vérité, un journal de pressions et de chantages. Stratégies de la désinformation et de la manipulation, banalisation du crime et confort de l’illégalité, le sémiologue n’y va pas de main morte dans la satire pour amener les lecteurs à réfléchir et à devenir moins crédules.
Virus en tout genre
La découverte de cygnes morts dans une réserve ornithologique en baie de Somme est le point de départ de « Pandemia » (2), un thriller de Franck Thilliez dans lequel œuvre à nouveau le couple de flics Franck Sharko/Lucie Hennebelle (« Angor »), dont l’enjeu est tout bonnement la préservation de l’espèce humaine. Car on a affaire à une épidémie de grippe mortelle dont la souche demeure non identifiable, un tueur en série qui a échappé au contrôle de ses manipulateurs.
« OutRage » (3), le quatrième roman d’Yves Tanguy, médecin généraliste à Betton, en Ille-et-Vilaine, est aussi un thriller pandémique : des cas de rage surviennent dans une banlieue de Paris, qui transforment les malades en mode zombie. Tandis que le virus se répand à une vitesse folle et que les pouvoirs publics paniquent, on suit les efforts pour survivre d’un groupe de patients et de soignants isolés dans un CHU en quarantaine. Un roman de genre, qui ne ménage pas les effets en tout genre.
Des virus encore sont au cœur de « Séquence » (4), le premier roman du scénariste et réalisateur suédois Fredrik T. Olsson, dont les droits ont été vendus partout dans le monde. Contraints de déchiffrer un mystérieux code après avoir été enlevés par une organisation occulte, un mathématicien et une archéologue découvrent que ce projet est lié à des recherches sur un virus mortel, impliquant des expérimentations sur des cobayes humains. Un virus qui s’est déjà répandu dans la nature.
En s’inspirant d’un fait-divers, l’assassinat, en 1940, d’une femme aux mœurs légères et la condamnation à mort d’un voisin que tous savaient innocent, l’écrivain irlandais Carlo Gébler a construit un roman social qui est aussi un thriller. Ce n’est pas le suspense qui fait de « l’Histoire de Foxy Moll » (5) un véritable page turner, car on sait qui a tué la malheureuse, pourquoi et comment les preuves ont été montées de toutes pièces. Mais l’écriture et la dénonciation implicite du silence complice de la population.
Avec humour
L’humour étant une denrée trop rare pour qu’on la néglige, on appréciera le dixième roman traduit en français de l’expert es thriller Linwood Barclay, « Celle qui en savait trop » (6). Une charmante mère célibataire arrondit ses fins de mois en vendant ses soi-disant dons de voyance à des familles fragilisées par la mort ou la disparition d’un proche. Une arnaque comme une autre, jusqu’au jour où, en frôlant de trop près la vérité sans le savoir, elle inscrit son nom sur la liste des prochaines victimes d’un tueur. De la bonne aventure à la bonne humeur !
L’humour noir à tendance philosophique est le registre de « Tueur de salauds » (7), le premier roman du comédien Cartouche. Un roman bref, où un type sans relief et sans histoire décide, après avoir compris que gentil = con, de faire justice lui-même quand l’injustice est trop flagrante et le crime impuni. Il effectue son boulot de superhéros qui supprime les salauds avec conscience, jusqu’au jour où il s’aperçoit que ceux qui sont pour lui des salauds ne sont peut-être pas des salauds pour d’autres.
Installé en Nouvelle-Zélande, où il enseigne, Liam McIlvanney situe l’action de « Là où vont les morts » (8) dans son pays natal, à Glasgow. Dans ce deuxième volet d’une trilogie consacrée au reporter Gerry Conway (« les Couleurs de la ville »), il explore, après la mort d’un journaliste, les interactions troubles entre le crime et la politique. Alors que la ville est sur le point d’accueillir les jeux du Commonwealth et que le pays se prépare au référendum sur l’indépendance de l’Écosse, le héros est pris en tenaille entre les truands de la rue, les politiciens véreux et les milieux d’affaires liés à la pègre.
Professeur de géographie à l’université de Rouen, Michel Bussi, primé dès « les Nymphéas noirs » en 2011, serait le premier auteur français de romans policiers en 2014. Son nouvel opus, « Maman a tort » (9), nous plonge dans la complexité de la mémoire humaine, après qu’un petit garçon de trois ans et demi raconte que sa maman n’est pas sa maman, et qu’un psychologue scolaire le croit. Il en résulte une enquête avec de nombreux personnages, des histoires entremêlées et des péripéties, tout cela dans sa région de Normandie.
(2) Fleuve , 645 p., 21,90 euros.
(3) Goater, 257 p., 18 euros.
(4) Fleuve , 615 p., 20,90 euros.
(5) Joëlle Losfeld, 386 p., 25 euros.
(6) Belfond, 304 p., 21 euros.
(7) Flammarion, 148p., 18 euros.
(8) Métailié, 346 p., 20 euros.
(9) Presses de la Cité, 509 p., 21,50 euros.
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