Jamais on n’a vu première d’un spectacle lyrique à l’Opéra Bastille aussi houleuse ! Dès l’entracte, entre les actes et même pendant la musique ont fusé les protestations de spectateurs exaspérés et, aux saluts, pour l’équipe du metteur en scène letton Alvis Hermanis, les bordées de huées et sifflements ont très largement couvert les quelques applaudissements.
Venant après « Moïse et Aaron » et « Barbe-Bleue/La Voix humaine », dont on a rapporté ici le grand professionnalisme théâtral, la mise en scène de cette « Damnation de Faust », légende dramatique dont Berlioz n’a jamais clairement exprimé la vocation théâtrale et très longtemps donnée en version de concert, a paru totalement outrée. Si Hermanis, célèbre à Salzbourg pour une production de « Die Soldalten » de Zimmermann dont on a loué ici la réussite (DVD EuroArts) et un « Trovatore » de Verdi vu sur Arte plus discutable, a bien choisi son moment pour transformer le bon Docteur Faust en un scientifique chargé de coloniser Mars pour sauver la terre du désastre écologique, il s’est aussi moins glorieusement illustré sur les deux autres grands sujets d’actualité que sont l’émigration et le terrorisme. Il a fait scandale dans les médias allemands et l’objet d’un appel au boycott après avoir refusé de travailler à Hambourg au motif que le Thalia Theater s’est engagé en faveur des réfugiés et que « parmi eux il y aurait sans doute aussi des terroristes », déclarant ne pas se sentir en sécurité dans la ville. Parfum de soufre peut-être approprié pour Faust mais peu propice à rallier un public à fleur de peau.
Le spectacle, trop élaboré, comporte force vidéos, toutes superbes, traitant de la nature sous toutes ses formes, une leçon de choses culminant sur un gros plan de la copulation de deux escargots illustrant l’air « D’amour l’ardente flamme », dans lequel Marguerite caresse l’éminent savant britannique Stephen Hawking, figure de proue du spectacle et double du chanteur Faust, circulant dans une chaise roulante dernier cri équipée d’un ordinateur. Ce « personnage » est interprété par le danseur fétiche de Pina Bausch, Dominique Mercy, qui réalise au tableau final une performance hallucinante de difficulté technique, un des points forts du spectacle.
Transformant les étudiants de Leipzig en laborantins quasi nus enfermés dans des cages de verre comme des souris de laboratoire, puis en cosmonautes de la navette « Mars One », truffant les scènes d’une chorégraphie débile (Alla Sigalova), Hermanis n’a pas réussi à donner à des tableaux plutôt disparates une quelconque unité, l’idée de base n’étant ni crédible, ni viable.
Des chanteurs de premier ordre
Le gâchis est d’autant plus déplorable qu’étaient réunis pour l’occasion trois chanteurs de premier ordre, qui, malgré leurs prestations exceptionnelles, n’ont pas réussi à sauver le spectacle. Ceux qui étaient venus pour admirer l’indéniable côté beau gosse de Jonas Kaufmann, coqueluche du moment, en auront été pour leurs frais. Habillé d’un petit costard acheté au décrochez-moi-ça, ni coiffé, ni rasé et avec des lunettes, il est méconnaissable. Mais quelle leçon de chant il a donné, avec des phrasés magnifiques, un français impeccable et, même s’il a négocié avec prudence le redoutable duo d’amour qui met ses aigus à rude épreuve, toute kaufmania mise à part, son invocation à la nature était à écouter à genoux. Sophie Koch, Marguerite, elle aussi terriblement banalisée, a rivalisé de beauté sonore avec des aigus vaillants ; il est regrettable que notre meilleure mezzo n’ait jamais réussi à améliorer sa diction française. Méphistophélès était incarné par l’immense baryton-basse gallois Bryn Terfel, impeccable de diction, d’élégance et de projection et le seul à crever l’écran, imposant son personnage par sa stature et sa faconde, malgré la terrible réduction qu’en fait le spectacle.
Pour une fois, on n’a pas adhéré à la direction de Philippe Jordan, trop occupé à détailler les beautés sonores de la partition pour déployer le grand souffle épique qui est sa seule véritable unité. Le chœur, dont le rôle est prédominant, était aussi un peu en deçà de sa forme habituelle. Un spectacle que l’on aurait aimé conseiller pour les fêtes, auquel qui on doute beaucoup que le cinéma rende justice.
Cinémas UGC (30 euros) en direct le 17 décembre à 19 h 30. Retransmission sur Mezzo le 24 décembre et diffusion sur France Musique le 2 janvier à19 heures.
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