Hommages à des légendes

Esprit es-tu là ?

Par
Publié le 08/04/2019
Article réservé aux abonnés
Jazz-Kuhn et Coleman

Jazz-Kuhn et Coleman
Crédit photo : DR

Jazz-Alvin Queen

Jazz-Alvin Queen
Crédit photo : STEPHEN FREIHEIT

Il suffit d'étudier les programmes de certains clubs de jazz pour s'apercevoir que les hommages en tout genre sont légion, les fameux « Tribute to… ». Surtout de la part de la nouvelle génération, qui cherche des repères. Mais quand la révérence est le fait d'un ancien accompagnateur et/ou partenaire, celle-ci prend une tout autre dimension.

Ainsi Alvin Queen. Le batteur, né aux États-Unis voici 68 ans, aujourd'hui citoyen helvète, fut, avec le contrebassiste danois Nils-Henning  rsted Pedersen (NHOP pour les intimes), membre de l'ultime Trio d'Oscar Peterson. Et à ce titre habilité à saluer la mémoire de l'immense – par la taille et la musique – pianiste canadien, comme il le fait dans « O P - A Tribute to Oscar Peterson » (Stunt Records/Una Volta Music).

Assisté de Zier Romme (piano) et Ida Hvid (contrebasse), Alvin Queen dévoile avec force rythmes solides sa gratitude, son respect et son admiration pour cette légende du jazz en piochant dans son répertoire mélodieux et élégant. Un vrai plaisir.

Joachim Kühn, qui vient de célébrer ses 75 ans, a toujours été l'une des figures majeures de la scène des musiques improvisées en Europe. Et l'un des rares pianistes à avoir travaillé avec le compositeur et multi-instrumentiste révolutionnaire Ornette Coleman – les autres étant Geri Allen et avant elle un certain Walter Norris en 1958 sur « Something Else ! The Music of Ornette Coleman », le premier disque du saxophoniste.

Entre 1995 et 2000, le pianiste allemand a donné seize concerts avec l'inventeur du free-jazz et du système harmolodique. Dans « Melodic Ornette Coleman - Piano Works XIII » (ACT), il révèle des pièces écrites et enregistrées par Coleman, mais dont seul le pianiste détenait les partitions.

À l'écoute de ce disque en solo, ce qui fascine et émerveille, c'est la façon avec laquelle Joachim Kühn parvient à s'approprier des mélodies aux contours parfois inattendus sans jamais les dénaturer ou les éloigner des volontés et de l'imagination fertile de son concepteur. Une magnifique prouesse musicale.

À la française

Difficile de comptabiliser les hommages à Miles Davis depuis sa disparition en 1991. Nicolas Folmer relève le défi. Le trompettiste, qui a partagé la scène avec des partenaires de son mentor comme John Lewis, René Urtreger, Dave Liebman et Rick Margitza, vient d'enregistrer « So Miles » (Cristal Records/Sony Music). S'il pose ses chorus et sa technique brillante et évocatrice sur les traces du Prince des ténèbres, il revisite, réinvente, se réapproprie, remodèle plusieurs des périodes de la vie musicale du trompettiste, du très beau « Blue in Green », couplé avec « Nefertiti », à « Human Nature », de Michael Jackson, en passant par l'inévitable « So What ». En plus de compositions originales.

Si tous les chemins mènent à Miles, encore faut-il, comme Nicolas Folmer, les emprunter avec dévotion et humilité pour réaliser un projet précieux et en tout point admirable.

 

Didier Pennequin

Source : Le Quotidien du médecin: 9739