Festivals de l'été

Deux pianistes inspirés

Par
Publié le 02/09/2019
Article réservé aux abonnés
De grands moments cet été avec les pianistes russes Daniil Trifonov (Verbier Festival) et Arcadi Volodos (Biarritz Piano Festival).
Arcadi Volodos à Biarritz

Arcadi Volodos à Biarritz
Crédit photo : MARCO BORGGREVE

Cet été, le Verbier Festival a brillé de mille feux dans les montagnes du Valais suisse. Le plus ardent a été la représentation en version de concert de « la Femme sans Ombre », l'opéra de Richard Strauss. Malgré les changements de dernière minute (défections de M. Goerne et N. Stemme), la soirée dirigée par Valery Gergiev, à la tête d’un Orchestre du Verbier Festival incandescent, restera inoubliable par l’engagement total des chanteurs, dominés par l’impératrice d’Emily Magee.

Autre moment inoubliable, le récital du pianiste russe Daniil Trifonov. Le plus extraordinaire par l'interprétation. Et le plus déroutant par son programme, mosaïque d’œuvres du XXe siècle demandant au public une concentration extrême. De Berg à John Adams et John Corigliano – bel hommage aux deux compositeurs encore actifs de ce parcours d’un siècle de musique. Un programme pour happy few que n’aurait pas désavoué Sviatoslav Richter, joué tout comme lui nez dans les partitions avec une formidable palette d’émotions, de couleurs et de nuances. Une soirée qui tenait autant du spiritisme que du récital.

Une soirée miraculeuse

À Biarritz, pour clôturer la 10édition du Piano Festival, Thomas Valverde avait invité l’un des pianistes les plus recherchés du moment, le Russe Arcadi Volodos. On a beau entendre une centaine de récitals de piano par an, en éprouver un plaisir constant et toujours intact, aiguillonné par la curiosité et la recherche du miraculeux, il n’arrive pas plus de deux ou trois fois dans une vie d’auditeur que le miracle se produise. Avec une soirée qui transforme à jamais cette recherche et qui, pour le meilleur ou pour le pire, déplace encore plus haut la barre des expectatives.

Après avoir écouté religieusement ce programme au parfait équilibre, avec des œuvres de Schubert, Rachmaninov et Scriabine qui se complètent parfaitement dans leurs recherches singulières d’absolu, leurs douleurs et leurs folies, il sera plus difficile de s’enthousiasmer pour des pianistes au style plus commercial, à la sonorité plus clinquante, à la virtuosité débraillée, bref de louvoyer dans l’immense vivier d’instrumentistes qu’offre aujourd’hui le marché du concert. Seul Claudio Arrau (au siècle dernier…), pour ne parler que de la sonorité et de la musicalité (la virtuosité et le contrôle de l’instrument à ce niveau vont de soi), nous avait donné cette sensation de magie du son, puissant mais flexible, sans force ni brutalité, coloré sans nuances criardes. Un art hypnotisant qui donne à l’auditeur l’illusion que son oreille n’a pas de limite et qu’elle est apte à palper littéralement la moindre nuance ppp, la plus faible dynamique qui transforme une phrase musicale en pur bonheur. Le recueillement dans la salle Bellevue, ancien Casino, avec une vue circulaire sur l’océan, atteignait une intensité rarement constatée dans les salles de concert des capitales.

Biarritz accueillera aussi, du 6 au 15 septembre, Le Temps d’aimer la Danse*, avec notamment la compagnie néerlandaise Introdans, qui donnera des pièces du légendaire chorégraphe Hans van Manen, David Coria, star montante du flamenco, et le Danish Dance Theater, avec le prodige suédois Pontus Lidberg. Le festival s’achèvera par un hommage à Merce Cunningham.

 

* www.letempsdaimer.com

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin