Danse
Angelin Preljocaj surprendra toujours son public ! Il se renouvelle et passe volontiers de spectacles grand public, tel « Blanche Neige », qui a fait le tour du monde, à d’autres plus intimes, comme récemment l’admirable « Ce que j’appelle oubli », sur un texte de Laurent Mauvignier, avec qui il va de nouveau collaborer cet été en Avignon. Sans parler des grands classiques que sont « le Parc », créé pour le Ballet de l’Opéra de Paris, ou son mythique « Roméo et Juliette », dans des décors urbains futuristes d’Enki Bilal.
« Empty Moves » (1), dont la première au festival Montpellier Danse avait été annulée l’été dernier par les mouvements d’intermittents, est un work in progress sur le mode abstrait qui évolue depuis 2004 et qui vient de trouver au Théâtre de la Ville sa forme définitive. Le substrat n’est pas musical, même si John Cage en est l’auteur. Il s’agit d’un enregistrement sonore de Cage lisant « la Désobéissance civile » d’Henry David Thoreau, en 1977 à Milan, avec en contrepoint les réactions houleuses du public italien, qui chahute, vocifère, injurie cette déstructuration du poème, cette distorsion du langage. Cette archive est depuis lors passée au statut d’œuvre d’art.
La performance chorégraphique est quasi inhumaine pour les quatre danseurs, qui évoluent sur la scène vide durant 105 minutes. Dansent-ils vraiment ? La chorégraphie est plus gymnique et acrobatique que dansante. La patte de Preljocaj est reconnaissable entre mille, son vocabulaire si singulier nourrit ce flux de mouvements virtuoses, sans sens ni nécessité, selon le titre. L’humour affleure, surtout dans la troisième période, et le chorégraphe ne renie jamais l’influence de Cunningham, qui fut son maître, et pratique volontiers l’autocitation, pour le grand plaisir de ceux qui connaissent et chérissent son œuvre.
Hommage à Mahler
John Neumeier, 72 ans, avait fait danser sur presque toute la musique de Gustav Mahler, sauf sur « le Chant de la Terre » (2). Il dit dans le programme de cette dernière création pour le Ballet de l’Opéra de Paris : « Je pense que ce sera le dernier Mahler que je chorégraphierai. ». Et il justifie cette longue attente par le fait qu’il a longtemps été inhibé par la chorégraphie réglée par Kenneth MacMillan pour le Ballet de Stuttgart, à la création de laquelle, jeune danseur, il a participé. Il n’est pas interdit de penser que la nature même de l’œuvre, cette riche « symphonie de Lieder », selon l’expression d’Henry Louis de La Grange, avec son symbolisme oriental et la très lourde douleur de son dernier poème, « Der Abschied » (L’Adieu), dont Mahler a écrit en partie le texte, a dû aussi lui paraître une tache colossale.
De fait, en sortant de la création mondiale de cette très considérable chorégraphie, en étant tout à fait conscient qu’il faudrait la revoir à plusieurs reprises pour en saisir toutes les facettes, on se prend à penser que la très grande force de cette musique jouée et chantée par d’excellents interprètes (l’Orchestre de l’Opéra de Paris dirigé par Patrick Lange avec les chanteurs Burkhard Fritz et Paul Armin Edelmann) peut distraire de ce qui se passe sur scène. Et pourtant Neumeier donne beaucoup à voir. Le plus étonnant, peut-être, une admirable scénographie dont il est entièrement l’auteur. Une scène quasi vide, meublée, surmontée d’un plateau en miroir opaque ; au fond, un grand cercle qui fait tour à tour office de soleil, de lune, d’instrument astronomique. Des costumes simples, des éclairages virtuoses et inventifs.
La chorégraphie suit chaque chant, chacun évoluant dans une atmosphère singulière et chacun, ou presque, offrant son pas de deux, tous absolument admirables se distinguant par des portés d’une originalité et d’une élégance qui sont la signature de Neumeier. Beaucoup de références à l’Orient aussi, inspirées par la substance littéraire de ces poèmes chinois du VIIe siècle.
Les interprètes de la première se sont montrés à la hauteur, avec dans les trois rôles principaux Mathieu Ganio, Laëtitia Pujol et Karl Paquette, étoiles à qui Neumeier a fait la part belle. Surtout dans le chant final, avec un pas de deux très sensuel suivi d’un pas de deux final compassionnel dans lequel Pujol et Ganio ont montré, autant que la trentaine de danseurs impliqués, que le Ballet de l’Opéra de Paris se montre plus que digne de ce dernier hommage de Neumeier à Mahler.
(1) Les 6 et 7 mars à Vernier (Suisse), le 10 avril à Cannes et les 10, 11 et 12 juin à Marseille
(2) Opéra de Paris-Palais Garnier, jusqu’au 12 mars. Tél. 0892.89.90.90, www.operadeparis.fr.
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