Si l’on entend souvent « Manon » et « Werther » à l’Opéra de Paris, « Le Cid », qui y fut créé en 1885 avec un succès durable, n’y apparut qu’épisodiquement entre 1900 et 1919. Dommage que la maison qui l’a vu naître n’offre à ce revenant que la reprise d’un spectacle assez contesté donné en 2011 à l’Opéra de Marseille, mis en scène par Charles Roubaud.
Le moins qu’on en puisse dire est qu’il ne rend pas justice à la noblesse de son sujet. On est plongé d’emblée dans une Espagne dont le roi pourrait être l’un des derniers souverains d’avant la République et la dictature franquiste, Alphonse XIII peut-être. Et si les premiers tableaux, qui montrent la Cour assemblée pour l’adoubement de Rodrigue, sont assez plaisants, on passe vite au trivial dans les appartements de Chimène et dans la salle de corps de garde de l’armée navarro-castillane.
Le livret emprunte à la tragédie ses vers les plus fameux et même si les librettistes (d’Ennery, Gallet et Blau) ont pris quelque distance avec Corneille en mêlant à la beauté de ses alexandrins un langage d’époque plus courant, on sent à tout moment Massenet prisonnier de ces vers. La ligne mélodique n’approche jamais celle de ses grands chefs-d’œuvre. Si les scènes clés de la tragédie sont là, s’y superposent quelques scènes de genre élaborées pour satisfaire aux exigences du goût du XIXe siècle à la fois religieux et grand spectacle. Quant au ballet, exercice obligé de l’époque, un des ensembles de danse les plus raffinés composés par Massenet, on l’a tout simplement amputé en le donnant tronqué et à rideau fermé en préambule au IIIe acte. On reprendra la remarque non dépourvue d’humour d’un spectateur dans un forum sur Internet : « L’Opéra de Paris invente le ballet en version de concert ! »
Les débuts d’Alagna
Le rôle de Rodrigue, défi à la voix de ténor, qui eut pour créateur Jean de Reské et que se sont approprié des légendes comme Georges Thill et Plácido Domingo, a été, comme il y a quatre ans à Marseille, confié à Roberto Alagna, qui faisait ainsi ses débuts sur la scène du Palais Garnier. S’il accuse un peu vocalement les ans, il est le seul aujourd’hui à pouvoir aborder ce rôle avec un tel panache, une telle sureté vocale et une telle crédibilité scénique. Il a été acclamé à juste titre après l’air « Ô souverain, ô juge, ô père » et au rideau final.
Autre pointure internationale, trop souvent et injustement boudée par la capitale, Annick Massis a donné une stature exceptionnelle au rôle de l’Infante, hélas minuscule, mais pour elle on a rétabli l’air « Allez en paix, vous que l’on aime », qu’elle a su sauver du ridicule, la scène étant vraiment représentative de ce que l’époque pouvait véhiculer de pire.
Les seconds rôles masculins étaient vocalement bien tenus mais manquaient un peu de la noblesse requise par leurs emplois (Paul Gay, Nicolas Cavallier, Laurent Alvaro). On peut déplorer le débraillé vocal de Sonia Ganassi, mezzo soprano n’ayant ni les moyens physiques, ni la classe physique de Chimène. Il est vrai qu’en lui faisant chanter en combinaison noire, vautrée sur un sofa, l’air légendaire « Pleurez mes yeux », immortalisé par Maria Callas, le metteur en scène lui a joué un assez mauvais tour.
Mais ne boudons pas notre plaisir, car au rythme d’une fois par siècle, on ne risque pas de revoir de sitôt « Le Cid » à l’Opéra de Paris. La distribution n’était ni à la hauteur de l’ouvrage, ni à celui de ce que peut espérer un spectateur de cette maison (voir le prix des places ci-dessous), mais le soin apporté à la direction musicale par Michel Plasson, chef légendaire et octogénaire, et le niveau d’excellence de l’Orchestre de l’Opéra de Paris étaient une grande satisfaction.
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