David Nicholls a conquis les lecteurs français avec « Un jour », dans lequel deux jeunes gens se rencontrent et n’en finissent pas de se chercher, de se perdre et de se retrouver au fil des vingt dernières années. Également scénariste, il avait mis en scène cette comédie de mœurs avec finesse. « Nous » (1) est de la même eau, avec une écriture fluide et une construction savante. Ici, un couple est sur le point de se séparer après vingt-cinq ans de bonheur apparent. Ils décident cependant de mener à bien leur grand projet de vacances : emmener leur fils faire le Grand Tour. C’est donc sur fond des grandes villes culturelles d’Europe, en de très courts chapitres mêlant passé et présent, que l’on découvre les personnages dans leur intimité – elle, artiste frustrée reconvertie en épouse rangée, lui, biochimiste coincé, désolé d’avoir perdu tout contact avec un enfant qui a du mal à sortir de l’adolescence. Un très agréable moment de lecture.
« Quel est le moment précis où tu es tombée amoureuse de moi ? » est la question qui ouvre « Tous les hommes sont des causes perdues » (2), le quatrième roman de Mabrouck Rachedi, l’auteur du « Petit Malik ». Une question anodine mais qu’Adam n’aurait pas dû poser à Sofia à la veille de leur mariage, car Adam se persuade alors que leur histoire est née d’un malentendu. L’auteur, qui manie l’humour et le subjonctif avec le même appétit, alterne les points de vue des jeunes gens sur l’évolution de leurs sentiments ainsi que sur leurs relations avec leurs meilleurs amis ou leurs parents ; avec une mention spéciale pour la maman d’Adam, une mère maghrébine aussi possessive qu’insupportable, qui exerce son pouvoir depuis la banlieue parisienne – où a grandi Mabrouck Rachedi – et qui devient ici acteur du drame à part entière dans un final inattendu. Une écriture surprenante, toute de légèreté… apparente.
Cauchemars américains
Après une vingtaine d’ouvrages, dont des essais et des mémoires, depuis « la Maison aux esprits », son premier roman et best-seller paru en 1982, Isabel Allende s’essaie au polar. Elle situe l’intrigue du « Jeu de Ripper » (3) à San Francisco, où elle réside, et met en valeur deux personnages aux antipodes, une mère, guérisseuse et adepte du Peace and Love, et sa fille. Celle-ci, plus proche de son père, qui est inspecteur de police, est à l’origine d’un jeu de rôle en réseau éponyme (ripper = éventreur) visant à résoudre les grandes énigmes de l’histoire criminelle. Lorsque plusieurs crimes sordides sont perpétrés dans la ville, elle lance ses fans sur la piste de ce qui pourrait être un tueur en série. Si elle entend rendre justice au genre policier, l’auteure reste fidèle à son propre style, avec la présence de nombreux personnages et l’omniprésence de croyances new age.
« Nous ne sommes pas nous-mêmes » (4) est un imposant pavé, très remarqué lors de sa parution en début d’année, un premier roman qui est le fruit de dix ans de travail de l’Américain Matthew Thomas. Traversant la seconde moitié du XXe siècle et suivant le destin de la fille d’immigrants irlandais, issue du quartier pauvre du Queens, à New York, l’ouvrage démystifie l’American Dream. Pour sortir de sa condition, Eileen a de la volonté et même de la férocité : elle fait des études, devient infirmière, épouse, par amour, un brillant scientifique, donne naissance à un garçon. Le rêve du quartier huppé et de la belle voiture est à portée de main, sauf que ni son mari, ni, plus tard, son fils ne partagent et ne comprennent son ambition et son désir d’en avoir toujours plus. Pire, la maladie qui s’installe dans la maison grignote petit à petit non seulement les économies mais la vie de famille, puis la vie tout court. Un récit à la fois épique et intimiste qui rappelle les plus belles heures du grand roman américain.
Roman estival s’il en est, « Un été 63 » (5) est aussi le premier roman d’une nouvelliste, Tracy Guzeman, qui vit et travaille dans la région de San Francisco. L’intrigue tourne autour de l’autoportrait d’un peintre célèbre, qui est en réalité le panneau central d’un triptyque que deux experts en art ont pour mission de reconstituer. Leur enquête les conduit vers deux sœurs qui ont servi de modèles, aux caractères aussi trempés que différents, qui ont connu le peintre pendant des vacances près d’un lac du Connecticut quarante ans auparavant. L’amour, l’art, les rivalités, les secrets, les rancœurs, les souvenirs, les mensonges…, tout éclate et tout s’imbrique dans ce récit tout en nuances, où se dessinent, à travers différentes époques, les personnages et les drames intimes qui les lient.
Quid des hommes, qu’ils soient amoureux, amants, pères ou toujours fils ? C’est une femme, Carole Duplessy-Rousé,professeur de français et romancière, qui relève le défi de pénétrer dans la forteresse masculine et nous entraîne « Place des Tilleuls » (6). Trois amis à la quarantaine bien tassée, qui ont réussi professionnellement – l’un d’eux est gynécologue-obstétricien – mais dont la vie sentimentale et familiale est en lambeaux, concrétisent leur rêve de jeunesse, l’achat en commun d’une grande maison de campagne. L’auteure nous fait pénétrer dans l’intimité d’une amitié simple et inaltérable, où les héros n’évoquent leurs problèmes que du bout des lèvres et dévoilent à peine leurs émotions et leurs faiblesses, mais où tout est dit et compris. Les personnages de femmes, secondaires peut-être, jouant toujours le rôle de catalyseur.
(2) L’Âge d’Homme, 228 p., 19 euros.
(3) Grasset, 444 p., 21,50 euros.
(4) Belfond, 785 p., 23 euros.
(5) Flammarion, 383 p., 22 euros.
(6) Pygmalion, 406 p., 19,90 euros.
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