Pour Angelin Preljocaj, l’année 2015 est riche. Fêter les trente ans de sa compagnie, assumer les honneurs de la Cour du Palais des Papes, en Avignon, où il avait déjà monté, en d’autres lieux du Festival, des chorégraphies qui sont restées au répertoire de sa compagnie, c’est assumer un planning très chargé ! Juste après Avignon, il a commencé la réalisation d’un film avec Juliette Binoche, d’après la BD « Polina », de Bastien Vivès, et assuré la reprise, dans son centre chorégraphique Le Pavillon Noir, à Aix-en-Provence, des deux chorégraphies réalisée pour le New York City Ballet (« La Stravaganza » et « Spectral Evidence »), une des grandes consécrations de sa carrière. C’est dans ce contexte bousculé qu’Angelin Preljocaj a présenté au public du 69e Festival d’Avignon sa dernière création, que reprend le Théâtre national de Chaillot à partir du 29 septembre.
La frustration d’Avignon
«Retour à Berratham » est un spectacle sur lequel on aurait bien du mal à poser une étiquette qualificative (le chorégraphe s’en défend formellement), tant il défie les habitudes du public de la danse contemporaine. Preljocaj avait réalisé pour la Biennale de Lyon en 2012 « Ce que j’appelle oubli », une courte et forte chorégraphie sur un récit de forme très originale de Laurent Mauvignier, qui, s’appuyant sur un fait-divers, narrait en une seule et immense phrase ininterrompue le passage à tabac et la mort d’un marginal par deux vigiles d’un hypermarché dans lequel il avait volé une canette de bière. Fort du succès de l’entreprise, Angelin Preljocaj a commandé à Mauvignier une « tragédie épique contemporaine », pour répondre à l’invitation d’Olivier Py de réaliser un spectacle au format de la Cour d’honneur.
Le public d’Avignon a été partagé entre déception et frustration devant un retrait massif de la danse par rapport à l’exploitation théâtrale d’un texte assez maladroitement déclamé par trois comédiens et par les danseurs eux-mêmes. Le spectacle ne manque pas d’allure dans le dispositif scénique commandé au plasticien Adel Abdessemed (plus connu pour avoir réalisé la statue du coup de boule historique de Zidane en 2006). Objectivement, l’ensemble pêche par sa dispersion dans l’espace et les longueurs, répétitions, redondances d’un texte qui raconte par bribes et dans une logique chronologique qui n’est pas toujours évidente, le retour au pays, après une guerre que l’on suppose se situer dans les Balkans, région d’origine de la famille du chorégraphe, d’un homme à la recherche de son amour de jeunesse et de son passé.
Le triste paysage de grillages, de cimetière de voitures, de sacs poubelles évoquant la mémoire des horreurs de cette guerre, aux éclairages glauques, est rehaussé par certaines scènes réussies, comme celle du mariage de l’(anti)-héroïne et par quelques trop rares séquences consacrées à ce qu’Angelin Preljocaj fait le mieux, et sur quoi il a assis sa réputation, faire danser ses danseurs. On ne doute pas qu’une fois rodé, retaillé et présenté dans des salles de théâtre fermées qui magnifieront davantage son décor, ce « Retour à Berratham » pourra réconcilier les nombreuses fractions du public protéiforme de la danse contemporaine.
Clermont-Ferrand (Comédie) les 9 et 10 mars 2016. Saint-Quentin-en-Yvelines les 18 et 19 mars. Tarbes le 31 mars. Rueil-Malmaison les 11 et 12 avril. Marseille (La Criée), du 26 au 29 avril.
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