Beautés du chant en CD

Un digne hommage discographique est enfin rendu au ténor et chef d’orchestre allemand Peter Schreier, à l’occasion de son 80e anniversaire. Cet excellent musicien a été formé à la dure école du chœur d’enfants de la Kreuzkirche de Dresde, le plus célèbre d’Allemagne de l’Est (DDR), avant de faire dans l’Allemagne de l’après-guerre une belle carrière de chanteur de Lieder et d’opéra. Sa réputation a largement dépassé les murs de la DDR, car il était régulièrement invité à chanter à l’Ouest, notamment au festival de Salzburg, à Vienne et à Milan, et enregistrait pour la Deutsche Grammophon. Quand, vers la cinquantaine, il a été en difficulté vocale, il a dirigé des orchestres jusqu’à sa retraite, relativement précoce pour raisons de santé.

« Peter Schreier - édition spéciale 80 ans », le coffret de 8 CD que publie Berlin Classics, est une sélection des très nombreux enregistrements réalisés pour la firme est-allemande Eterna et couvre toute l’étendue de son talent. Bach, comme soliste et chef, et Schubert se taillent la part du lion, mais on y trouve aussi Schumann, et un CD d’airs d’opéra montre l’art de Schreier, chanteur rigoureux au style d’une pureté absolue et à la ligne vocale parfaite. Relativement rare, la compilation de compositeurs de musique sacrée qui ont composé pour la cour de Dresde réapparaît dans ce coffret (Hasse, Fux, Zelenka, Ariosti…).

Un DVD bonus est le témoin d’un concert de 1971 filmé à Vienne par Unitel, Peter Schreier étant accompagné par le pianiste Rudolf Buchbinder ; il contient une longue interview avec des images d’archives. Majeur !

Autre chanteur saxon, mais de la génération de l’Allemagne unifiée, le baryton Mattias Goerne est aussi un pur produit du chœur d’enfants de Dresde. Il fait aujourd’hui une carrière internationale de concertiste (ses apparitions à l’opéra ont été rares et très choisies). Un DVD EuroArts, « Baroque Christmas », le montre en 1999, assez tôt dans sa carrière, aux côtés du soprano américain Barbara Bonney, avec le Freiburg Baroque Orchestra et d’excellents musiciens de vents, le German Brass et le chœur d’enfants de la Cathédrale de Freiburg. Le programme reprend les airs et duos de l’« Oratorio de Noël » de Bach, ainsi que quelques cantates et des airs de Mozart et Haendel. Un rêve d’hiver.

Baroque et Renaissance

Le soprano italien Ana Caterina Antonacci a donné ces dernières saisons en Europe quelques programmes de musique baroque italienne mis en espace (« Era la Note ») avec un ensemble orchestral, la plupart consacrés à Monteverdi. Le programme intitulé « Lagrime Mie », qui inclut au Seicento italien les compositeurs Purcell et Haendel, réalisé avec l’excellent ensemble Accademia degli Astrussi, dirigé par Federico Ferri, enregistré au Teatro Communale de Bologna en 2010, est tout à fait dans cet esprit et de la même qualité. Tout y est admirable, et on peut savourer l’art dramatique d’Ana Caterina Antonacci dans des pièces aussi variées que « Lascia ch’io pianga » de Haendel, qu'elle chante avec énormément d’intensité, et la poignante lamentation de «Didon», de Purcell. Le lamento « Lagrime Mie » de Barbara Strozzi, qui donne son titre à l’album, extrait de «Diporti di Euterpe», est un des moments de grâce de ce programme hautement recommandable (1 CD Concerto Classic).

Après avoir donné de merveilleuses harmonisations de chansons du répertoire français du XVIIIe siècle, Vincent Dumestre et son ensemble Le Poème harmonique explorent celui du XVIe. « Cœur » propose des airs de cour et musiques de la Renaissance par des compositeurs peu connus, tels Girard de Beaulieu, Jean Boyer, Lorenzini, des découvertes passionnantes (1 CD Alpha Classics).