Ouverture des coffres

Bandes à part

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Publié le 30/09/2019
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Trois inédits viennent d'être publiés. Celui de Miles Davis aurait peut-être pu rester dans les coffres, mais ceux de John Coltrane et Barney Wilen méritaient amplement d'en sortir.

Enregistrements inédits, perdus et/ou oubliés. Méritent-ils tous d'être un jour publiés ? Là est toute la question. Dans le cas du « nouvel album inédit » de Miles Davis, « Rubberband » (Warner Records/Rhino), la question se pose !

Et une partie de la réponse se trouve dans la réaction de Tommy LiPuma, directeur du département jazz pour le nouveau label du trompettiste, Warner Bros., après 30 ans de collaboration avec Columbia. Cette dernière avait décidé de conserver ces enregistrements – réalisés entre octobre 1985 et janvier 1986 – enfouis dans les coffres de la maison. D'autant que Miles allait publier quelques mois plus tard « Tutu », (produit par un certain Marcus Miller), qui relancerait une nouvelle fois sa carrière dans une direction nettement plus jazz-rock fusion funky commerciale et très grand public.

On doit en fait la publication de « Rubberband » (dont certains titres étaient déjà connus) au neveu du musicien, le batteur Vince Wilburn Jr. (présent lors des sessions), qui, avec les producteurs originaux, a tripatouillé certains titres, en faisant notamment intervenir les chanteuses Layla Hathaway et Ledesi, plus un remix du titre de l'album. Des interventions inutiles. Le disque révèle cependant des pépites, comme « Give It Up » ou « Maze », et la présence de sidemen comme Mike Stern (guitare), Bob Berg (saxes) et Marylin Mazur (percussions).

La question demeure : fallait-il le publier dans cette version altérée ? Aux amateurs de juger.

Coltrane fait son cinéma

La question ne se pose absolument pas pour la parution de « Blue World » (Impulse/Verve/Universal), l'album totalement inconnu – « mais à la vue de tous pourtant », selon l'historien du jazz Ashley Kahn – de John Coltrane et de son Quartet classique (McCoy Tyner, piano, Jimmy Garrison, contrebasse, Elvin Jones, batterie).

En 1964, le saxophoniste (ténor et soprano) enregistre deux disques essentiels, « Crescent » et, surtout, « A Love Supreme », son chef-d'œuvre impérissable. Cette année-là, il grave aussi dans les studios de son ingénieur du son fétiche, Rudy Van Gelder, la bande-son du « Chat dans le sac », film du réalisateur canadien Gilles Groulx, sans même visionner les images.

La bande sonore, qui ne sera utilisée que très partiellement pour illustrer le film, comprend de nouvelles versions de plusieurs compositions antérieures : trois de « Village Blues », deux de « Naïma » notamment, et un morceau original qui donne le titre du disque.

Un album essentiel préfigurant l'univers musical coltranien, modal, spirituel et incantatoire, qui va bouleverser le monde du jazz d'alors. Un must absolu !

La note bleue au Japon

Le saxophoniste (ténor et soprano) Bernard-Jean (dit Barney) Wilen (1937-1996) a vu sa carrière décoller après sa participation à la musique du mythique « Ascenseur pour l'échafaud » (1957) aux côtés de Miles Davis. Par la suite, il a participé à divers projets, dont des bandes-sonores ou des incursions dans le « freerockpopjazz » et les musiques africaines.

Mais c'est dans le jazz qu'il excelle. Comme le prouve ce « Live In Tokyo '91 » (2 CD Elemental Music/Distrijazz) inédit. Enregistré par le leader lui-même, avec une rythmique conduite par Olivier Hutman (piano) et au menu des standards américains et français, dont deux belles chansons de Charles Trénet.

Une musique tout en finesse et délicatesse, sensible et poétique, mise en valeur par un saxophoniste au souffle magique et à l'inspiration chaleureuse.

 

 

 

Didier Pennequin

Source : Le Quotidien du médecin