« Kinship », de Carey Perloff

Adjani et le fantôme de Phèdre

Publié le 27/11/2014
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Théâtre

Isabelle Adjani est une artiste qui ne se fait pas assez confiance. Comment expliquer autrement qu’elle ne joue pas en direct, chaque soir, ces scènes de Phèdre que la dramaturge américaine Carey Perloff a brochées ici et là dans sa comédie sentimentale ? C’est la présence de Phèdre qui a séduit Isabelle Adjani. Ces scènes, elle les a enregistrées et elles sont mimées par une danseuse, Blandine Laignel, dans des voiles à l’orientale. Quel dommage !

Oublions ce moment de déception, que les spectateurs qui n’ont pas lu la pièce ne saisissent pas. D’ailleurs, cela donne une fluidité aux mouvements réglés par la costumière Dominique Borg, qui signe aussi la mise en scène. On s’attache aux protagonistes.

Pas de décor, sur le grand plateau du Théâtre de Paris, des suggestions de lieux : bureau, café, chambre d’hôtel. Le vide est compensé par des vidéos d’Olivier Roset et une musique d’Olivier Schultheis. L’argument est simple. Les personnages n’ont pas de nom. « Elle », Isabelle Adjani, rédactrice en chef d’un journal de province, aux États-Unis. Un mari qu’elle aime, deux enfants. « Lui », Niels Schneider, un jeune homme qui a été scénariste mais s’essaye au journalisme. « L’Amie/La Mère, » Vittoria Scognamiglio, ancienne comédienne, comme l’était la mère de « Elle ». Elles sont devenues amies. Les trois personnages n’apprendront que trop tard ce qu’est le « lien particulier » (Kinship) qui les ligote.

Le nœud est dangereux, mais Carey Perloff ne veut pas donner d’issue tragique à une pièce qui tient donc plutôt de la comédie. Un caractère accentué par la manière dont est écrit et interprété le rôle de la mère. Vittoria Scognamiglio est excellente et ne se contente pas de faire rire, elle a une présence et donne de la profondeur à son personnage.

Niels Schneider, qui fut la saison dernière un Roméo solaire, est un comédien fin et subtil qui tient très bien sa partition.

Isabelle Adjani ne peut s’appuyer sur un « grand » texte. L’écriture de Cary Perloff est efficace. Mais la vision du journalisme est assez courte ! Et si un fait-divers sur fond de religion vient corser l’action, il n’est pas exploité. Demeure une interprète hors du commun capable d’aller de la gaminerie enjouée aux accents les plus tragiques. Isabelle Adjani, belle voix et présence magnétique, impose avec autant d’autorité que de douceur son personnage.

Attention, la sonorisation joue de mauvais tours et il arrive à certains spectateurs de très mal entendre les comédiens.

Théâtre de Paris, à 21 heures du mardi au samedi, en matinée le samedi et le dimanche. Durée : 1 h 45. Jusqu’au 25 janvier. Tél. 01.48.74.25.37, www.theatredeparis.com.

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du Médecin: 9369