LE QUOTIDIEN – La CARMF (Caisse autonome de retraite des médecins de France) organise la semaine prochaine, du mercredi au vendredi, trois journées portes ouvertes pour ses adhérents. Quel est le but de l’opération ?
Dr GÉRARD MAUDRUX – Nous avions l’habitude à cette date de recevoir les gens sur notre stand du MEDEC. Comme cette année, nous n’y allons pas, nous tentons l’expérience de les inviter chez nous. Nous allons voir… De toute façon, nous avons toute l’année deux ou trois personnes qui reçoivent en permanence les confrères.
Il y a quelques mois, vous aviez estimé qu’il existait cet hiver une fenêtre de tir pour réformer l’ASV (allocation supplémentaire vieillesse, qui représente quelque 30 % des cotisations des médecins actifs pour 39 % des pensions perçues par les médecins retraités, et que la loi a prévu de remettre à plat en… 2006). S’est-elle définitivement refermée ?
Disons plutôt qu’elle ne s’est pas ouverte ! Je pensais, effectivement, que d’un point de vue politique, il y avait moyen de lancer des négociations au tout début de l’année. Ca ne gênait en rien les régionales, le moment était plus propice que, par exemple, l’année prochaine où la présidentielle sera déjà en ligne de mire. Que va-t-il se passer maintenant ? Je n’en sais rien… Plus inquiétant, quand on pose la question au ministère de l’avenir de l’ASV, personne n’en sait rien non plus. Qui pilote ce dossier ? Mystère.
Finalement, mon avis est que la réforme ne sera faite que l’année de la cessation de paiement du régime. Après tout, c’est ce qui est arrivé dans toutes les caisses (les directeurs de laboratoires d’analyses, les chirurgiens-dentistes…). Les pouvoirs publics ont dans l’idée que toute réforme, pour qu’elle soit bonne, doit être nécessaire, ce qui est plutôt gonflé comme raisonnement ! Parce que, quelle que soit la réforme, elle va faire mal, on ne peut pas promettre le contraire, surtout quand on sait qu’un jour, l’ASV sera fermé parce que les caisses ne paieront plus.
À plus court terme la cessation de paiement est programmée pour quand ?
Dans trois ou quatre ans. L’an dernier, les comptes de l’ASV étaient encore équilibrés ; cette année, les dépenses y seront supérieures aux recettes de 15 % ; l’an prochain de 20 %… Vers 2013, on aura épuisé nos réserves.
Un toilettage pourrait néanmoins intervenir avec une proposition de loi que prépare la député UMP Valérie Boyer ?
Ce texte est fait pour les bas revenus. Parce qu’en France actuellement, nous n’avons pas un ministère des Affaires sociales mais un ministère anti-social, qui méprise totalement les bas revenus. C’est fou, alors que nos demandes ne coûtent rien (nous défendons des abattements), personne ne les entend. Pour l’ASV, où la cotisation est forfaitaire [3 960euros, dont, pour les seuls secteurs I, 2 640 euros sont pris en charge par les caisses d’assurance-maladie, NDLR], nous demandons quatre tranches de cotisation (100 %, 75 %, 50 %, 25 % en fonction du revenu), c’est impossible à obtenir ! Nous avons fait une tentative dans le cadre du dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale… et l’idée n’a été gardée que pour les retraités qui cumulent emploi et retraite – elle a été en plus modifiée avec une dose de proportionnalité aux revenus. Valérie Boyer reprend aujourd’hui des éléments de ce que nous souhaitions. Il y a en France des médecins qui ne remplacent pas à cause des charges, il y a des médecins poursuivis en justice parce qu’ils n’arrivent pas à payer ces charges ! Les tranches de cotisations que nous prônons pourraient intéresser entre 5 000 et 10 000 confrères.
N’y a-t-il pas pour eux de solutions alternatives ?
À la CARMF, nous avons pensé au statut d’auto-entrepreneur mais on bute, devinez sur quoi… l’ASV ! Chez nous, il y a au moins six classes différentes, six taux différents de cotisations retraite, suivant que les médecins sont secteur I ou secteur II, qu’ils sont inscrits au régime général ou au RSI… Ce n’est pas compatible avec les règles de l’auto-entrepreneur. Dommage. Car ce statut permettrait de régler, par exemple, le problème du médecin qui remplace quinze jours et à qui on demande des cotisations qui dépassent son revenu. C’est ridicule, le gouvernement n’arrive pas à coller à la pratique de terrain. C’est l’horreur de la dictature administrative, il n’y a pas de responsable.
Vous pensez à d’autres « ratages » ?
Prenons le rachat de points. On a fait une loi permettant l’opération. Et puis on a arrêté des conditions de rachat beaucoup trop fortes, totalement dissuasives. Personne n’a rien racheté. Autre exemple : quand on a réformé la pension de réversion, cela a été immédiatement assorti d’une condition de ressources annulant tous les effets attendus. Résultat, la mesure devait bénéficier aux veuves de médecins, aucune n’en tirera avantage. Chaque fois, il y a un effet d’annonce et puis des textes d’application qui reviennent en arrière. Cela donne le sentiment d’un grand mépris.
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