L’ASV est au régime sec, et la question se pose avec une acuité renouvelée : où trouver, dans le maquis des dispositifs, une retraite supplémentaire qui tienne la route ? Deux grands types de produits s’offrent aujourd’hui aux généralistes : d’un côté les assurances-vie, de l’autre les contrats de retraite individuels, tels que le PERP (Plan d’épargne retraite populaire), le Madelin, Préfon (1) ou la Complémentaire Retraite des Hospitaliers (2). Voici quelques repères simples pour départager ces produits.
• Disponibilité.
Avec une assurance-vie, le souscripteur peut récupérer son capital (augmenté des intérêts) à n’importe quel moment. S’il veut bénéficier de la fiscalité la plus favorable, cependant, il doit conserver son contrat pendant un minimum de 8 ans. Sur les autres contrats (PERP, Madelin, Préfon, CRH), les sommes épargnées sont bloquées jusqu’à l’âge du départ à la retraite, sauf cas exceptionnel (invalidité, surendettement, décès du conjoint...). Première question à se poser, donc, avant de choisir un contrat : suis-je plutôt sensible à la liberté de pouvoir retirer mon épargne à tout moment ? Ou à une discipline qui me contraigne à épargner jusqu’à l’âge de la retraite ?
• Sortie.
Autre différence fondamentale : avec la plupart des assurances-vie, le médecin récupère sa mise et ses intérêts sous forme de capital, en une seule fois. Avec un contrat de retraite individuel, la sortie se fait obligatoirement, pour au moins 80 % des montants épargnés, en rente viagère : une allocation versée tous les mois, ou tous les trimestres, à partir du départ en retraite et jusqu’au décès. Selon les simulations proposées par les différents organismes, il faut vivre assez vieux pour récupérer la totalité de son épargne et des intérêts produits.
Faisons une simulation (voir tableau). Un médecin de 40 ans, épargnant 192 euros par mois pendant 25 ans, disposera, dans le cas le plus favorable, d’une rente brute (avant impôt et prélèvements sociaux) de 280 euros par mois. Il doit espérer vivre jusqu’à l’âge de 83 ans pour récupérer l’intégralité de sa mise et des intérêts produits (4).
Autre exemple : une jeune médecin de 30 ans, cotisant 96 euros par mois pendant 35 ans, percevra dans le meilleur des cas 202 euros brut par mois. Elle devra vivre jusqu’à 85 ans pour rentrer dans ses frais (4).
S’il choisit un produit en rente viagère, le médecin doit en tous les cas veiller à ce que les tables de mortalité, servant de base au calcul de la rente, soient garanties à la souscription. L’espérance de vie augmentant, en effet, les assureurs font régulièrement évoluer ces tables, dans un sens toujours moins favorable aux souscripteurs. Faute de contrat garantissant un gel du mode de calcul, le candidat à la rente s’expose à de mauvaises surprises.
• Fiscalité.
C’est un autre facteur discriminant entre l’assurance-vie et la famille des contrats de retraite individuels. PERP, Madelin, Préfon et autres CRH comportent en effet un avantage fiscal à l’entrée : le médecin peut déduire de son revenu imposable les cotisations versées, à hauteur de 10 % de son revenu professionnel net, et dans la limite de 29 098 euros en 2012. En revanche, à la sortie, la rente est soumise aux prélèvements sociaux et à l’impôt sur le revenu, au titre des pensions et retraites. Au moins dans un premier temps, donc, ces contrats s’avèrent intéressants pour les médecins assez largement imposés – dont le taux marginal d’imposition est supérieur à 30 %, estiment la plupart des experts – qui peuvent bénéficier à plein de la déduction des cotisations. De son côté l’assurance-vie ne procure pas d’avantage fiscal à l’entrée, mais à la sortie : au bout de 8 ans, le souscripteur peut opter pour une imposition de ses gains à un taux « light » de 21 % (incluant les prélèvements sociaux).
• Taux d’intérêt.
La majorité des contrats, en assurance-vie et en retraite individuelle, sont investis dans des fonds euros (le placement le plus sûr), qui peuvent être associés dans des proportions diverses à des produits d’actions et d’obligations, présentant un risque et une espérance de gain plus élevés. Sous l’effet des dépressions boursières successives, les rendements ont baissé au cours des dernières années. Pour 2011, la plupart des contrats ont affiché des performances allant de 2,8 % à 4,5 % (net de frais, avant impôt et prélèvements sociaux). Les incertitudes économiques et financières ne paraissant pas près de se dissiper, il vaut mieux opter aujourd’hui pour des contrats qui garantissent le capital investi (vous êtes assuré de ne pas perdre votre mise) ainsi qu’un rendement minimum. Attention : certains contrats de retraite individuelle fonctionnent suivant un régime à points. Les cotisations servent à acheter des points, lesquels sont convertis en rente au moment du départ à la retraite. Or le mode de calcul du point est parfois difficile à cerner. Dans ce cas il vaut mieux éviter de souscrire.
• Pérennité.
Comme l’ASV, les régimes Préfon et CRH, en difficulté financière, ont dû être renfloués, avec pour conséquence un amaigrissement des futures rentes. L’avenir de ces régimes dépend de leur capacité à attirer de nouveaux cotisants. Au-delà des offres commerciales, il est donc recommandé d’étudier en détail leurs nouvelles conditions tarifaires et financières.
• Frais.
Sur les contrats, en assurance-vie comme en retraite individuelle, peuvent peser différents frais : frais sur versements (qui vont généralement de 0 % à 5 % des montants déposés), frais de gestion (entre 0 % et 1,8 % de l’encours géré), commissions d’arbitrage (entre 0,1 % et 1 % des fonds arbitrés), frais de transfert en cas de changement d’établissement (entre 0 et 5 % de l’épargne transférée)... Pour éviter une ponction trop lourde, un seul réflexe : lire les alinéas, comparer minutieusement les conditions tarifaires, et faire jouer la concurrence entre établissements.
• Bilan.
Les contrats de retraite individuels peuvent s’avérer intéressants pour les médecins disposant de revenus relativement élevés. Et qui ne sont pas allergiques au système de la rente, où il s’agit finalement de faire un pari sur sa propre longévité. En revanche, ils présentent un moindre intérêt pour les médecins dont le revenu et le taux d’imposition ne permettent pas une déduction importante des cotisations. Ceux-là risquent de ne retenir, du Madelin, du PERP ou du Préfon, que les contraintes (blocage des fonds jusqu’à l’âge de la retraite, sortie obligatoire en rente). Et de leur préférer une assurance-vie.
(1) Pour les médecins ayant exercé, même pour un temps bref, dans la fonction publique, ou dont le conjoint remplit cette condition.
(2) Pour les médecins ayant exercé, ne serait-ce que quelques jours, dans un hôpital public, ou dont le conjoint remplit cette condition.
(3) Nous prenons ici l’exemple du « Capimed », un contrat Madelin spécialement conçu pour les médecins.
(4) Hypothèses retenues : déduction d’une partie des cotisations de son revenu imposable, avec un taux marginal d’imposition de 30 %. Épargne placée au taux de 3 % par an.
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