Voilà un avis du Conseil d'État qui va peut-être faire jurisprudence. Le 30 avril dernier, le juge administratif a prononcé la suspension de l'interdiction d'exercer du Dr Eugénie Izard, pédopsychiatre depuis 16 ans à Cugnaux (Haute-Garonne), et l'obligation pour le conseil départemental de Haute-Garonne de l’Ordre des médecins de l'indemniser de 3 000 euros au titre des frais de justice.
L'affaire a commencé en 2015 lorsque le Dr Izard signale des maltraitances sur une enfant suivie en psychothérapie. Mais suite à une plainte du père, médecin psychiatre qui conteste ces signalements, le conseil départemental de Haute-Garonne de l’Ordre des médecins inflige à la pédopsychiatre un avertissement devant la chambre disciplinaire de première instance d'Occitanie. Le Dr Izard et le conseil départemental font alors tous deux appel. Le 10 décembre 2020, la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins durcit la sanction en interdisant au médecin d'exercer la médecine pendant une durée de 3 mois à compter du 1er avril 2021. Le juge disciplinaire de l'Ordre des médecins lui reproche en effet d'avoir enfreint le secret médical en saisissant le juge pour enfants à la place du procureur de la République.
Secret professionnel
Une sanction que la pédopsychiatre, également présidente du réseau de professionnels pour la protection de l'enfance et de l'enfance (REPPEA), conteste. À bon escient, si l'on en croit le Conseil d'État. En effet, dans son avis du 30 avril, il estime que la décision de la chambre disciplinaire « est entachée d’inexacte qualification juridique des faits en ce qu’elle juge que Mme Izard a méconnu son obligation de secret professionnel pour avoir adressé un signalement relatif à un jeune patient au juge des enfants saisi, en assistance éducative, de la situation de cet enfant paraît, en l’état de l’instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l’annulation de la décision juridictionnelle attaquée, l’infirmation de la solution retenue par les juges du fond ».
Le médecin l'a instantanément fait savoir sur son fil Twitter.
Le Conseil d’État a prononcé un sursis à exécution de mon interdiction d'exerce dans l'attente de la décision définitive. Le CDOM 31 est condamné à me verser 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
— Izard Eugénie (@EugenieIzard) April 30, 2021
Lire la décision : https://t.co/4gTEoUk0f8
La suspension de l'interdiction d'exercer pour la pédopsychiatre est toutefois temporaire, le temps que le pourvoi d'Eugénie Izard demandant l'annulation définitive de cette sanction soit tranché. Interrogée par France 3 Occitanie, la praticienne avait indiqué plus généralement que dans ce type d'affaires, les médecins devaient pouvoir « être en sécurité ». « Je ne peux pas continuer à avoir peur à chaque fois que je fais un signalement. Il faut qu'on puisse bénéficier d'une immunité dans ces cas-là. » « Je dénonce des maltraitances et c'est moi qu'on poursuit. Je vais me battre pour faire reconnaître cette injustice », avait-elle ajouté.
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