C'est un immense soulagement. « Le cauchemar est terminé », témoigne le Dr Sabri Ahmed au « Quotidien ». Condamné en avril 2019 à de la prison avec sursis pour son implication dans une vaste escroquerie à la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) du Val-d'Oise, le médecin a été relaxé par la Cour d'appel de Versailles.
Dans un arrêt consulté ce lundi par « Le Quotidien », la Cour d'appel de Versailles a, en effet, estimé que le médecin n'avait pas pris part à l'escroquerie, qui concernait des patients présentant des pathologies lourdes, ou en fin de vie. Aucun versement suspect n'a été retrouvé sur ses comptes bancaires, soulignent les juges.
Rétablir sa réputation
« Quand cette affaire a commencé, le ciel s'est écroulé sur ma tête, j'ai ressenti de la colère et de l'injustice car c'est ma réputation qui était touchée », confie le médecin de 63 ans. Son avocat, Me Renan Budet, évoque « une longue traversée du désert » pour son client, praticien hospitalier reconnu, fondateur du service d'oncologie de l'hôpital de Gonesse (Val-d'Oise) et dont les compétences « n'ont jamais été remises en cause ». « Nous sommes très satisfaits de la décision de la Cour d'appel, qui va lui permettre de rétablir sa réputation auprès de ses pairs », souligne le conseil.
En première instance, devant le tribunal correctionnel de Pontoise, l'oncologue avait été condamné à 12 mois de prison avec sursis et à verser plus d'1,2 million d'euros de dommages et intérêt à la caisse du Val-d'Oise. L'affaire avait commencé par une lettre anonyme et des signalements de patients, surpris de voir apparaître sur leurs décomptes des remboursements d'actes médicaux jamais réalisés. Ils avaient alerté la caisse, qui avait fini par porter plainte.
Submergé par le travail
L'oncologue s'est alors retrouvé en garde à vue et poursuivi pour avoir trompé, entre le 1er janvier 2015 et le 26 mars 2018, la CPAM au profit de deux sociétés prestataires de soins à domicile et fournisseur de matériel médical (Medical Home et Cap Santé). Selon l'enquête initiale, le médecin aurait employé « des manœuvres frauduleuses » en utilisant des prescriptions préremplies par les deux prestataires. Ces ordonnances comportaient des « surcharges, chevauchements dans les dates ou des dates incomplètes » et des médicaments à perfuser non inscrits sur la liste des produits de santé remboursables.
Le médecin contestait les faits, notamment la signature d'ordonnances le week-end, mais avait indiqué qu'il était de pratique habituelle, « compte tenu des contraintes de temps », de réaliser des prescriptions orales validées dans un second temps lorsqu'une relation de confiance existait avec le prestataire. « Submergé par son travail », il a indiqué avoir « fait confiance » à l'infirmière coordinatrice à la tête du réseau d'escroquerie.
Abus de biens sociaux pour l'infirmière
Les juges d'appel ont à cet égard confirmé la culpabilité de cette infirmière, « tête pensante de ce trafic », et de son compagnon, qui dirigeait l'entreprise de matériel médical avec laquelle l'escroquerie a été réalisée. Le couple, condamné à 24 mois et 18 mois de prison avec sursis, 1,6 million d'euros de dommages et intérêts et 5 ans d'interdiction d'exercice pour la paramédicale, a été reconnu coupable d'avoir mis en place un système de facturation de soins fictifs.
Parmi les faits reprochés à l'infirmière, des prescriptions fausses ou périmées, des demandes de rétrocommissions de 30 % du chiffre d'affaires d'autres infirmières libérales qui travaillaient pour elle, ou encore l'utilisation de fonds à des fins personnelles (financement d'un mariage en Corse, achat de champagne).
Les gendarmes avaient également retrouvé 1 300 boîtes de médicament stockées à son domicile, dont certains inscrits sur la liste des stupéfiants. De trois millions d'euros, le préjudice à la Sécu avait été additionné d'1,8 million d'euros d'abus de biens sociaux.
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