Le compte n'y est pas. Alors que le cinquième round des négos s’est achevé ce vendredi après-midi, les deux jours de réunions bilatérales entre les syndicats de praticiens libéraux et l'Assurance-maladie n’ont pas suffi à apaiser la colère. « On nous agite toujours le chiffon rouge du contrat d’engagement territorial (CET), ça devient infantilisant et humiliant », réagit ce vendredi le Dr Luc Duquesnel, président de la branche généraliste de la CSMF. Pour le Dr Jérôme Marty, patron de l'UFML, dont une délégation a été reçue jeudi soir, c'est le « dialogue de sourds. On reste dans un truc hyper contraint avec ce CET mais les médecins ne sont ni enfants, ni des fonctionnaires, ni des salariés de la Sécu ».
De fait, outre l'augmentation transversale de 1,50 euro (pour toutes les consultations), la caisse a confirmé aux syndicats la nécessité de signer ce fameux contrat individuel pour accéder aux échelons supérieurs de tarification – les niveaux 2 et 3 de consultations, respectivement fixés à 40 et 60 euros, a annoncé à ce stade Thomas Fatôme, le DG de la Cnam.
« Contraintes »
Traduction des « droits et devoirs » réclamés par l'exécutif, le CET a été toutefois assoupli. De quatre thématiques, il a été réduit à trois : « augmentation de l’offre médicale », « accès financier aux soins » et « participation aux besoins de santé du territoire ». Cette dernière brique fusionnée intègre désormais des items plus nombreux (exercice en MSP, missions des CPTS, participation à une équipe de soins, travail avec une infirmière Asalée ou une Ipa, etc.), ce qui censé faciliter l'engagement des médecins sur ces thématiques.
Une petite victoire pour la Dr Agnès Giannotti, présidente de MG France. « Désormais il y a davantage de choix », admet-elle. Mais la généraliste parisienne regrette malgré tout « les fortes contraintes imposées par le CET, notamment d’augmentation de patientèle. Nous sommes déjà épuisés, tout le monde ne pourra pas remplir ces cases ».
La Cnam ne veut pas d'usine à gaz
« Cet engagement territorial n’est absolument pas une contrainte, mais une revalorisation de ce que beaucoup de médecins font déjà, c’est inédit », insiste la Cnam ce vendredi auprès du « Quotidien ». Pour assouplir le dispositif, la caisse confirme qu'elle a ajouté de nouvelles options, comme le fait de pratiquer des consultations avancées en ZAC, d’accueillir des stagiaires ou de travailler en MSP. « L’idée est de n'exclure personne et surtout de coller aux réalités du terrain », martèle la caisse.
Concernant le premier bloc – augmentation de l’offre médicale – « 40 % des médecins généralistes réalisent déjà le niveau de file active ou de patientèle médecin traitant attendu », veut rassurer l’Assurance-maladie. Aussi, ces objectifs de prise en charge de malades « seront bien sûr adaptés aux cas particuliers, aux médecins en exercice mixte ou en cas d’interruption de travail lié à une grossesse ou un arrêt maladie », nous précise la Cnam. L’Assurance-maladie assure qu’elle n’entend pas créer « une usine à gaz » mais un suivi d’indicateurs « automatisé, qui pourra par exemple être actualisé sur Ameli pro tous les 6 mois ». Elle promet que ce dispositif ne créera « aucun indu ».
Insuffisant
Reste qu'à ce stade, les confrères qui ne signeraient pas le CET ne pourront bénéficier que de la majoration transversale socle de 1,50 euro. « Tous les médecins sont gagnants grâce à cette revalorisation inconditionnelle de 1,50 euro », préfère insister la Cnam. Dans ce schéma, la consultation de base des généralistes serait donc toujours réévaluée à 26,50 euros, loin des revendications syndicales. Hors CET toujours, la consultation des spécialistes atteindrait 31,50 euros (par le jeu des majorations) et, par exemple, jusqu'à 33,50 euros en gynécologie ou 52,50 euros en cardiologie (par le jeu des majorations).
Seuls les médecins signataires du CET auraient donc accès aux niveaux supérieurs (N2, N3). Le niveau 2 (40 euros) concernerait par exemple la consultation des 0-2 ans. Pour les généralistes, la première consultation d’inscription d’un patient médecin traitant en ALD passerait à 60 euros. Même tarif pour le bilan de suivi – une fois par an – des patients en ALD de plus de 80 ans par leur médecin traitant. « Une consultation par an c’est insuffisant », recadre déjà le Dr Duquesnel, qui souligne que « les consultations de personnes âgées, polypathologiques durent 30 à 45 minutes, c’est le cœur de notre métier ». La consultation post-hospitalisation (MSH) ou le dossier MDPH (MPH) seraient aussi tarifées 60 euros, tout comme la consultation santé sexuelle.
Lignes rouges
« Nos lignes rouges sont toujours là, nous demandions la consultation de base à 30 euros sans condition », met en garde la Dr Agnès Giannotti (MG France). Pour le Dr Jérôme Marty (UFML), le prérequis reste la consultation à 50 euros (en y intégrant la plupart des forfaits) à l'horizon 2027. « Nous n'avons aucun mandat pour signer ce lot de contraintes et d'oukases », tacle le généraliste de Fronton. « Le compte n'y est toujours pas », estime aussi la Dr Sophie Bauer, présidente du SML.
À noter que pour le suivi des patients médecin traitant, la Cnam mise sur la revalorisation inconditionnelle des forfaits qui y sont attachés. Ainsi, les forfaits ayant trait aux patients de plus de 80 ans et aux moins de 80 ans en ALD passeraient de 42 à 50 euros. « Ce sont des revalorisations hors CET, c’est une convention historique pour les médecins », insiste l’Assurance-Maladie. Sans condition toujours, la Cnam met sur la table une majoration « cumulative » de 30 % du forfait patientèle médecin traitant (FPMT) pour les jeunes installés et les confrères installés en ZIP, soit une augmentation respective de 2 600 euros et 6 500 euros annuels.
28 février, date butoir
Dans un autre registre, la caisse compte revenir sur le quota maximum de 20 % d’actes réalisés à distance. Une évolution qui inquiète la profession. « C'est de la folie ! Il suffira de travailler deux jours par semaine et de faire le reste de ses consultations depuis sa maison secondaire, on marche sur la tête », ironise le Dr Duquesnel (Généralistes-CSMF). Le plafond d'activité à distance pourrait, selon nos informations, passer à 50 %.
Prochain rendez-vous les 22 et 23 février pour les dernières séances de négociation plénière. Les syndicats devraient ensuite retourner vers leur base pour se déterminer. « C’est une belle convention qui reconnaît l’engagement de la profession, un choc d’attractivité pour la médecine libérale », défend la Cnam. Les syndicats ne sont pas du même avis pour l'instant. La séance finale est prévue le 28 février, date butoir juridique.
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