DE NOTRE CORRESPONDANT
CONÇUS SELON le « modèle » marxiste léniniste de l’URSS, les systèmes de santé des pays de l’Est étaient des systèmes d’État, très centralisés et hiérarchisés, mais aussi fortement politisés. La quasi-totalité des médecins étaient employés de ces structures, soit à l’hôpital, soit dans des cabinets publics ou des polycliniques réunissant plusieurs médecins et professionnels salariés. En général moins bien payés que les ouvriers et soumis à une forte surveillance idéologique, surtout à l’hôpital, les médecins étaient loin de faire partie des « privilégiés » de ces régimes. Leur très faible salaire les poussait souvent à accepter ou réclamer des rémunérations plus ou moins occultes… y compris en fruits, viandes et légumes, alors très difficiles à trouver dans les villes. La Pologne était le seul pays de l’Est à tolérer les cabinets médicaux privés, mais les soins qui y étaient prodigués – souvent d’ailleurs par des médecins employés par ailleurs dans le public – étaient totalement à la charge des patients.
Pour toutes ces raisons, politiques et matérielles, les médecins ont été nombreux à s’opposer à ces régimes puis, plus tard, à se mobiliser pour réformer les structures de santé, notamment en Pologne et en Tchécoslovaquie, où ils se sont massivement engagés dans les partis démocratiques recréés lors de la chute du communisme.
À partir d’août-septembre 1989, lorsque les Allemands de l’Est ont commencé à pouvoir quitter leur pays via la Hongrie ou la Tchécoslovaquie, qui avaient ouvert leurs frontières un peu avant la RDA, l’« exode » des médecins est-allemands a été si massif que les autorités ont redouté une crise sanitaire majeure, avant que le problème ne se résorbe avec la chute du mur de Berlin deux mois plus tard. En quelques mois, et avant même la réunification officielle du pays, le 3 octobre 1990, les anciennes organisations pyramidales et politisées de la médecine est-allemande furent remplacées par des structures calquées sur celles de l’Ouest, avec des syndicats et des ordres régionaux, puis l’introduction de caisses de maladie financées par des cotisations, exactement comme en Allemagne de l’Ouest.
Les Allemands de l’Est étant nettement plus pauvres que ceux de l’Ouest, des « filets de sécurité » furent mis en place pour éviter que trop de patients ne se retrouvent sans assurance. De plus, le montant des honoraires dans les cinq « nouveaux Länder », c'est-à-dire l’ex-RDA, est resté inférieur à ceux de l’Ouest pendant des années, avant d’être progressivement harmonisé. Les polycliniques et les cabinets médicaux publics ont tous très vite été privatisés, même si la part de structures de santé « publiques » reste, aujourd’hui encore, supérieure à l’Est qu’à l’Ouest. Ces réformes se sont accompagnées d’importantes « purges » politiques : les universitaires et les cadres trop proches du SED, le PC est-allemand, ou des services de renseignements ont payé leur engagement par une mise à la retraite anticipée voire, pour certains, par un passage devant les tribunaux, notamment pour des affaires de dénonciation ou des actes clairement contraires à la déontologie médicale.
Des revenus longtemps plombés.
Les autres pays de l’Est, qui n’ont bien sûr pas bénéficié des milliards de Marks transférés par l’Allemagne de l’Ouest vers les « nouveaux Länder », ont été plus longs à réformer leurs systèmes de santé, même s’ils ont tous, rapidement, recréé des structures professionnelles et des ordres nationaux, indépendants du pouvoir politique. Désireux de sortir des systèmes d’État de type soviétique ou britannique, financés par l’impôt, ces pays se sont inspiré des systèmes de santé français et allemands, basés sur des caisses, des cotisations et des prestataires de soins tant publics que privés. Ils ont toutefois conservé des structures à deux niveaux, en raison de leur situation sociale : une médecine « publique » totalement gratuite pour les plus pauvres, et une médecine avec des cabinets et des soins privés pour les patients affiliés auprès d’une caisse. Mais les revenus des médecins et de la plupart des professionnels de santé sont restés « plombés » par les problèmes économiques. Alors que beaucoup d’habitants de ces pays ont vu leur situation financière s’améliorer, les médecins sont longtemps restés au bas de l’échelle, ce qui en a poussé beaucoup à émigrer vers l’Europe de l’ouest ou l’Amérique. Ils y sont aujourd’hui encore d’autant plus prisés que leur formation jouit d’une excellente réputation.
Enfin, vingt ans après la « chute du mur », la santé en Europe centrale et orientale reste marquée aussi par des indicateurs hérités de la période communiste : alimentation trop grasse et mal équilibrée, forte consommation de tabac et d’alcool et taux de suicide très élevés. Néanmoins, la « transition » a été plus simple et plus rapide dans ces pays, qui disposaient déjà de structures sociales et sanitaires relativement performantes avant la seconde guerre mondiale, que dans l’ex-URSS où les problèmes sanitaires et sociaux restent beaucoup plus lourds.
(photos : elles montrent une "policlinique" a Berlin est, et le "samu" de berlin est dans les années 80... il faut noter les ambulances sur base des célèbres camionnettes "Barkas", l'équivalent en utilitaire des fameuses Trabant...)
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