Un exemple… à ne surtout pas imiter ! Les syndicats de médecins semblent gênés aux entournures à l’heure où entre en vigueur l’accord controversé paraphé en septembre 2008 par l’assurance-maladie et les quatre syndicats d’infirmières libérales (FNI, Convergence infirmière, ONSIL, SNIIL), compromis qui se traduit par des mesures inédites de limitation des installations dans les zones surdotées. Pour la première fois en effet, une profession libérale a entériné par avenant un dispositif de régulation ferme de sa démographie dans le cadre d’un accord global incluant aussi des revalorisations de tarifs (au 15 avril 2009).
Pour combattre les très fortes disparités régionales (facteur de 1 à 6) de l’offre de soins infirmiers, deux grandes dispositions avaient été décidées : d’un côté, la mise en place de mesures incitatives dans les zones « très sous-dotées » (soutien à l’installation et au maintien en exercice notamment via une participation de l’assurance-maladie à l’équipement du cabinet dans la limite de 3 000 euros par an pendant trois ans) ; de l’autre un encadrement du conventionnement dans les zones surdotées. C’est ce chapitre qui fait toujours polémique. Dans ces secteurs excédentaires, l’accès au conventionnement pour une infirmière ne pourra désormais intervenir que si une infirmière « cesse son activité définitivement » dans cette zone . Ce qui veut dire que l’installation en libéral sous convention dans les zones pléthoriques est désormais soumise à un filtre puissant (reprise de cabinet, intégration dans un cabinet de groupe…) même si ce système de régulation ne s’applique plus en cas de création ou d’extension de places en service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) dans la zone surdotée considérée. Une évaluation de ces mesures est programmée avant le 30 juin 2011.
« Rien à voir ».
Avant et après cet accord, les pouvoirs publics avaient loué l’esprit de responsabilité de la profession infirmière. À l’Élysée, au gouvernement comme à la CNAM, on avait salué un accord « exemplaire » et même « modèle ». Le message n’avait rien de subliminal : les médecins libéraux seraient bien inspirés de négocier au plus vite un dispositif similaire pour lutter contre la désertification.
Malgré les pressions, notamment des élus locaux, rien de contraignant pour les médecins n’a été signé en 2008, ni dans les premiers mois de 2009. Les négociations sont restées dans une impasse totale. Et le projet de loi Hôpital, Patients, Santé, territoires (HPST) adopté par les députés n’a pas remis en cause la liberté d’installation. Il a renvoyé à l’horizon 2 011/2 012 d’éventuelle mesures autoritaires. C’est dans trois ans que sera examiné l’impact des mesures incitatives (pôles de santé, maisons de santé, territorialisation des flux d’étudiants, bourses, guichet unique, coopérations…) promues dans le cadre des futurs schémas régionaux d’organisation des soins (SROS). En cas de carence médicale durable sur un territoire, les médecins (anciens et nouveaux) des zones très dotées devront signer un contrat santé solidarité par lequel il s’engagent à prêter main forte à leur confrères des zones déficitaires proches. Les médecins qui refusent ce contrat s’acquittent d’une taxe annuelle (environ 3 000 euros maximum).
Sujet « pas mûr » dans les autres professions.
Si les médecins ont obtenu un peu de répit, l’entrée en application immédiate de l’accord « infirmières » les renvoie à leur propre situation, et au débat sur les déserts médicaux qui risque de revenir sur le tapis dès l’examen de la loi HPST au Sénat. « L’accord infirmières ne peut en aucun cas être un exemple, il est assez dangereux car il consiste à négocier quelque chose de moins bien que ce que tu avais, en plus il crée des rentes de situation, prévient le Dr Michel Combier, président de l’UNOF, branche généraliste de la CSMF. Il n’y a rien de comparable : les écarts de densité vont de 1 à 6 chez les infirmières, ils ne sont que de 1 à 2,5 chez les médecins ». Une façon d’expliquer qu’il n’y a aucune urgence à restreindre la liberté d’installation. « Hostile à toute forme de coercition et de conventionnement sélectif », le Dr Thierry Lebrun, premier vice-président de MG-France, regrette aussi un « précédent fâcheux ».
Hors de question pour ce responsable de « troquer » la revalorisation du C contre ce type d’accord sur la démographie (un deal suggéré par le gouvernement qui y ajoute la régulation des dépassements d’honoraires). Le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF-Généraliste, est encore plus clair : « non seulement il n’y a pas d’urgence sanitaire - même si les élus locaux pour des raisons électorales veulent tous avoir leur médecin - mais les mesures autoritaires sur l’installation seraient totalement contre-productives ».
On le voit : l’accord infirmières est toujours analysé avec une méfiance absolue du côté des médecins.
Quant à l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS, composée de 26 syndicats de libéraux de santé), elle devrait aborder la question de la démographie en juin prochain, à l’occasion d’un séminaire. Et si la CNAM est tentée par un «copier-coller» de l’accord infirmières, elle risque de se heurter à quelques résistances. « Sur le volet des incitations en zones sous-dotées, il n’y aura pas de problème pour trouver des solutions transversales! explique Alain Bergeau, président de l’UNPS. En revanche le principe d’une régulation des installations dans les zones surdotées n’est mûr dans aucune autre profession, ni chez les kinés, ni chez les médecins, ni ailleurs… ».
L’Académie pointe les disparités de l’offre de soins en cancérologie
Un carnet de santé numérique privé ? L’onglet de Doctolib jette le trouble, jusqu'au ministère
Le retour à l’hôpital d’une généraliste après 25 ans de libéral
AP-HP, doyens, libéraux : pourquoi le secteur médical quitte X (ex-Twitter) au profit de Bluesky ?