Partie de campagne contre les déserts médicaux

Touraine plébiscite le travail en équipe

Publié le 25/03/2013
Article réservé aux abonnés
1366291430419890_IMG_101541_HR.jpg

1366291430419890_IMG_101541_HR.jpg
Crédit photo : S TOUBON

L’ARDÈCHE, une campagne vallonnée, blottie entre des falaises calcaires et des gorges touristiques, clairsemée de petits villages aux rues pentues. 238 médecins pour 100 000 habitants (contre 334 en moyenne nationale) dont 21 % ont plus de 65 ans. Un seul psychiatre libéral pour tout le département, aucun spécialiste de ville sur les deux tiers des cantons. Comment faire venir de jeunes professionnels ?

Noyé dans l’administratif.

« Je veux des conditions de vie favorables dans mon travail et ma vie personnelle. Au début, on est noyé dans l’administratif. On doit être épaulé », réclame une diplômée de la faculté de Clermont-Ferrand, lors d’une table ronde avec Marisol Touraine et les élus à l’hôpital local de Villeneuve-de-Berg. Classée dans les 500 premiers à l’internat, la novice a décidé de rejoindre, avec deux autres jeunes, 3 médecins seniors dans un cabinet autofinancé de Meyras, 900 habitants. L’un d’eux, 51 ans, croit aussi en ce « contrat de génération » précurseur. « Les jeunes nous apportent des connaissances fraîches. Nous leur apportons notre expérience, en particulier administrative, et chacun gagne du temps ».

Les jeunes médecins se disent peu alléchés par les incitations financières, comme les bourses du conseil général ou les 4 600 euros mensuels garantis pendant 2 ans accordés au praticien territorial de médecine général. « Si on n’imagine pas atteindre ce salaire minimum avec notre clientèle, il faut s’interroger sur la nécessité réelle d’un médecin à cet endroit », résume Yann Barthélémy.

Ce jeune généraliste demande plutôt l’ouverture de postes de professeur en médecine générale et l’implication d’universitaires aux côtés des libéraux dans les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP). « Cela encouragerait les jeunes à passer plus de 6 mois en libéral sur 9 années d’études. La recherche en soins primaires en sortirait aussi gagnante » plaide-t-il devant la ministre. Message reçu : « nous allons travailler avec la ministre de l’Enseignement supérieur Geneviève Fioraso à labelliser des MSP universitaires », promet Marisol Touraine.

Les atouts d’une MSP.

Dans la Drôme voisine, la recette a déjà pris. Face à un supermarché, la maison de santé pluriprofessionnelle d’Anneyron réunit au rez-de-chaussée un opticien, un pharmacien et un cabinet de dentiste, qui accueillera en juillet une jeune diplômée de 25 ans. « Je suis à 45 minutes de Lyon en voiture. Ici je trouverai un bon support technique, une radio, un bloc opératoire. Si j’ai un doute, les médecins seront à côté », explique-t-elle. Au premier étage travaillent 3 médecins, des orthophonistes, des infirmières, des psychologues, des diététiciennes, une orthoptiste et la PMI du conseil général. Une studette est même prévue pour accueillir un interne en stage.

Le Dr Christelle Fleury, généraliste maître de stage, a quitté le Nord avec conjoint et enfant et ne regrette pas son choix. « On peut discuter avec tous les collègues. L’ambiance, c’est très important. On peut aussi développer des projets ». Conventionnée en secteur 1, elle passe entre 15 à 45 minutes auprès de chaque malade. Elle loue sa part du local à un prix arrangeant, grâce à l’aide de la communauté de communes. Et attend avec intérêt la mise en place des nouveaux modes de rémunération à l’automne (rémunération du travail en équipe).

« Des projets comme cela, il y en a plus de 1 000 en France ! Ça va dans le bon sens » s’enthousiasme le

Dr Claude Leicher. Le président de MG France a fait le déplacement depuis Étoile-sur-Rhône où il travaille dans une MSP depuis 2007. « Nous sommes 4 médecins. Un cinquième de 25 ans arrive cette année ».

Coercition : les maires ne disent pas non.

Mais les MSP ne sont pas la panacée universelle. En Ardèche, où les infrastructures ne bénéficient pas du rayonnement de Valence, Lyon ou Grenoble, le maire (Europe Écologie les Verts) de Viviers, François Louvet, lui-même généraliste, prédit qu’il n’y aura plus de médecin dans 10 ans. « Malgré les plus belles MSP, les jeunes n’ont pas envie de venir. La clientèle ne se revend plus. Les Roumains touchent la prime, restent 5 ans, puis repartent ». Sa solution : trois ans de service contraint à la fin des études médicales.

La permanence des soins en nuit profonde pose également problème. Le maire de Coucouron, président des maires ruraux d’Ardèche, vient d’interdire par arrêté à ses 850 habitants...d’être malade entre minuit et 6 heures pour dénoncer la décision de l’ARS de supprimer les primes des médecins de garde. Derrière la provocation se pose la question des territoires ruraux où les interventions en urgence ne se comptent que par dizaines par an. « La PDS est-elle la réponse la mieux adaptée ? Nous réfléchissons à la mise en place de médecins correspondants du SAMU pour que tous les Français soient à moins de 30 minutes de soins d’urgence », répond la ministre en écho à une promesse de François Hollande.

Enfin, le financement du travail en équipe reste flou. Les premiers forfaits ad’hoc, votés dans la loi Sécu 2013, arriveront en septembre, après une négociation conventionnelle qui s’annonce délicate. « Nous essaierons d’aller plus loin dans la LFSS 2014. Il faudra aussi se pencher sur la rémunération des parcours de soins », avance la ministre.

 COLINE GARRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9229