Le grand oral sur la santé et la protection sociale de cinq candidats à la présidentielle, organisé mardi par la Mutualité française, a fait réagir plusieurs acteurs du monde de la santé, qui sont souvent restés sur leur faim.
Le remboursement à 100 % de certains soins coûteux a occupé une bonne partie des débats. François Fillon propose un remboursement 100 % Sécu des lunettes des enfants. Jean-Luc Mélenchon (absent mais contributeur) étend cette couverture Sécu intégrale aux soins dentaires, optiques et audioprothétiques. Dans ces trois domaines, Emmanuel Macron comme François Fillon visent un reste « à charge zéro » (mobilisant à la fois le régime obligatoire et les complémentaires, en vertu d'une nouvelle articulation à définir).
Le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, se dit « préoccupé » par cette fuite en avant. « Tous les candidats rasent gratis sur l'optique, le dentaire et l'audioprothèse, mais concrètement, on finance comment ? » Le néphrologue s'agace aussi des cinq milliards d'euros qu'Emmanuel Macron veut investir à l'hôpital. « Je ne comprends pas ce genre de discours de la part d'un politique qui se dit grand libéral et qui prône par ailleurs des économies sur les dépenses publiques. » L'engagement prioritaire de Benoît Hamon en faveur de l'hôpital public ne lui dit rien de bon pour l'avenir immédiat de la médecine libérale.
Quid du médecin traitant ?
Le Dr Claude Leicher, patron de MG France, regrette qu'à aucun moment les candidats n'ont parlé du médecin traitant et de son rôle dans le système de santé : « La droite a voté la réforme en 2004, renforcée par la gauche en 2016 avec le médecin traitant de l'enfant, et pas un ne se positionne aujourd'hui sur ce sujet central. Je n'ai pas l'impression qu'ils ont les mains dans le cambouis », s'agace-t-il. Le médecin généraliste s'interroge aussi sur le financement de la santé. « Comment parvenir à un reste à charge zéro ? En augmentant les cotisations ? Quelles ressources sont mobilisées ? On est dans le flou total ! »
Le SML concentre son inquiétude sur la proposition de François Fillon de créer une « agence de garantie de la couverture solidaire des dépenses de santé » fédérant l’assurance-maladie, les complémentaires, l’État et les professionnels de santé. Usine à gaz en perspective ?
La volonté de Yannick Jadot (EELV) d'ouvrir la régulation des dépenses aux complémentaires santé et aux usagers préoccupe aussi les libéraux « sur le devenir des conventions et celui de la contractualisation collective entre les syndicats médicaux représentatifs et l’assurance-maladie ».
Pas assez précis sur l'organisation
La Fédération nationale des centres de santé (FNCS) déplore le manque de profondeur dans la réflexion des candidats sur l'égalité d'accès aux soins. « Ils en sont restés à l'aspect financier sans parler de l'organisation des soins dans les territoires ruraux où dans ceux où vivent des populations précaires », regrette le Dr Richard Lopez, président. Pour ce dernier, la médecine ambulatoire est évoquée uniquement sous l'angle libéral, via le développement des maisons de santé pluridisciplinaires (plébiscitées par tous) ou par des mesures coercitives (le déconventionnement pour les médecins libéraux qui s'installent en zone surdotée défendu par Benoît Hamon). « C'est vraiment une façon "light" de penser l'organisation des soins, bien loin de celle qu'on attend d'un futur président de la République. »
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