LE QUOTIDIEN - Quel regard portez-vous sur les violences en milieu scolaire ?
Pr PHILIPPE JEAMMET - Le phénomène n’est pas vraiment nouveau. Il a toujours existé. En revanche, la facilité d’expression de ces troubles leur donne une dimension inconnue par le passé. Cela tient au fait que chacun dit ce qu’il pense et exprime sans aucune retenue ses sentiments. Les médias, en tant que miroir de la société, y poussent. L’émotion devient la vérité de l’être. Il s’ensuit un climat général d’agression, où l’on n’a pas idée des règles et des limites. Une telle liberté d’expression se révèle pour le moins problématique à l’école.
Imaginez-vous une parade ?
Il faudra s’interroger un jour sur l’importance de la dignité à l’école, ce lieu noble par excellence de la culture humaine. L’irrespect génère des comportements délétères.
Pour autant, dans un climat nocif, tous les élèves ne font pas les 400 coups. Est-ce à dire que les violents comptent pour une infime minorité ?
Nous parlons de sujets fragiles, victimes de troubles profonds de l’identité, de leur propre image. Chez eux, la violence s’apparente à une forme d’existence. J’y vois la créativité du pauvre. Sans valeurs, sans compétences, et qui plus est en état d’insécurité intérieure, on se sent impuissant. Mais on peut toujours s’affirmer par la destruction en bandes, c’est la fonction même des tribus. Même si les agissements de groupes semant la terreur se révèlent exceptionnels, marginaux.
Et, j’insiste, la déscolarisation de l’école, déconsidérée par de multiples critiques, nourrit le mal-être de jeunes en grande difficulté identitaire. Les délinquants en question évoluent désormais dans un milieu scolaire qui ne leur offre plus de repères, de garde-fous.
Vous parlez de délinquants ... Doit-on leur appliquer un traitement pénal pour les ramener sur un chemin qui reste flou ?
La sanction qu’ils méritent passe par la loi, en même temps qu’elle s’inscrit dans une démarche éducative. Certes, ce rappel à l’ordre n’est pas évident dans une société qui devient effectivement de plus en plus floue via un monde virtuel médiatisé, et où, par ailleurs, l’autorité bat de l’aile.
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