CE N’EST CERTES pas un programme santé clé en mains pour le futur candidat de la majorité présidentielle. Mais l’intitulé du document concocté par le groupe « Prospective » de la Fédération UMP Santé ne laisse guère de doutes sur l’ambition : « secteur libéral 2012 - 2017 ». La commande avait été passée il y a deux ans par Raymond Soubie, conseiller social de Nicolas Sarkozy, l’idée étant de préparer la transition entre les réformes en cours et un nouveau projet, confirme-t-on à l’UMP.
Un premier texte d’une cinquantaine de pages, que le « Quotidien » s’est procuré, vient d’être présenté discrètement à certains cadres du parti. Il pose des jalons sur un sujet jugé sensible à l’heure où l’exécutif tente de recoller les morceaux avec la médecine libérale. Le texte brosse ainsi un tableau de ce que pourrait devenir l’offre de soins du secteur libéral et avance une série de « préconisations » en forme de boîte à idées.
Le document porte une vision « offensive » du secteur de la santé, un des « moteurs de la croissance économique mondiale » de la prochaine décennie (en France, les dépenses de santé passeront de 11 à 15 % du PIB générant 300 000 emplois, estime le rapport). Dans ce contexte, la France doit définir une « nouvelle stratégie de santé et de solidarité » censée accompagner et même stimuler ce secteur créateur de richesse et d’emplois.
Plusieurs axes sont identifiés. Le secteur libéral, postule le rapport, verra son périmètre étendu pour répondre aux nouveaux défis : non plus seulement le soin maladie mais la gestion d’un « capital santé » (ce qui commande un fort investissement sur la prévention, le dépistage, l’éducation de la santé, l’hygiène de vie), l’apparition de nouveaux métiers (télémédecine, centres de diagnostic…) et le « recentrage de l’hôpital sur les soins de haute technologie ». Autres tendances lourdes : des libéraux qui aspirent « à une qualité de vie comparable à celle des salariés » mais aussi des patients « consommateurs » actifs et mieux informés.
Sur ces bases, faut-il réinventer totalement le secteur libéral ? Le rapport écarte cette hypothèse mais recommande des mesures lui permettant de se redynamiser et de solliciter au maximum « ses capacités de souplesse et d’adaptation ».« Cet accompagnement doit se faire en douceur et sans à coups pour éviter les réticences à la nouveauté qui mettent à mal le changement indispensable », diagnostique le rapport avec prudence.
Généraliste chef d’orchestre.
Le médecin traitant ? « Il n’est pas utilisé au mieux de ses compétences lorsqu’il soigne un rhume », commente sans fard le document. Trop de temps médical est perdu pour des « actions de santé » que d’autres professionnels pourraient assumer. Le médecin traitant « placé au centre d’un réseau d’experts » devra donc reprendre son rôle central : « faire des synthèses et organiser le parcours de soins du patient ». Les nouvelles techniques vont reconfigurer l’exercice et favoriser les coopérations pluridisciplinaires. L’UMP en prend acte. « Certains voudront aller plus loin et organiser des regroupements (maisons et pôles de santé…), c’est une option qui présente de nombreux intérêts mais qui n’a pas vocation à être généralisée, c’est la situation locale qui devra induire les décisions », peut-on lire.
Toujours selon le document, le glissement vers davantage de prévention (côté soins primaires) et la complexification et la spécialisation de plus en plus élevée (côté hôpital) vont accélérer la restructuration de l’offre à l’échelon régional et le « filtrage » aux soins lourds et spécialisés. « À terme les soins spécialisés techniques de deuxième ou troisième recours ne pourront plus passer que dans le cadre de l’offre de l’hospitalisation (publique ou privée) », peut-on lire. Parallèlement, les auxiliaires paramédicaux auront plus de poids dans la surveillance et le suivi primaire. Une grande loi santé/prévention pour la décennie est jugée « utile ». Le rapport suggère au passage de revoir la place de la prévention tout au long des études médicales et d’ouvrir cet enseignement à des professionnels non médecins.
Sécurité juridique.
La rémunération ? Le projet a le mérite de ne pas éviter le sujet. Elle devra « être profondément transformée ». « L’unicité du sacro-saint paiement à l’acte » devra à terme être abandonnée « et ceci pour l’ensemble des acteurs de santé », lit-on dans le document. Mais il faut avancer prudemment. Le forfait doit s’imposer d’abord pour l’hospitalisation et pour « les actes de prévention ». Et plutôt que le salariat, qui a le vent en poupe chez les jeunes, « la société et l’organisation de la santé ont tout à gagner à permettre une pluralité de statuts », analyse le projet. Il faudra encourager la possibilité de travailler conjointement en ville et à l’hôpital et d’associer « forfaits et actes », peut-on lire. Les organisations juridiques (association, société civile professionnelle, SEL...) devront répondre aux nouvelles formes de médecine. Autres impératifs juridiques : assurer l’égalité des conditions de concurrence (« une mairie ne doit pas pouvoir s’offrir des cabinets médicaux comme une piscine ou un golf »), garantir l’égalité devant l’impôt et les charges des praticiens et préserver la liberté d’initiative.
Quant à la liberté d’installation, autre pilier libéral, elle devra être « adaptée » en fonction des besoins réels. Le rapport avance à pas feutrés : la contrainte est « une approche à abandonner », en revanche il est légitime de poser certaines limites « par exemple empêcher l’installation d’un spécialiste dans une zone où l’offre est pléthorique ».
Le document juge enfin urgent le déploiement de la télésanté et en précise les objectifs : suivi des ALD, réduction de la fracture territoriale, maintien à domicile, désengorgement des urgences, suivi de personnes âgées, suivi médical dans les prisons, formation du personnel, amélioration de l’observance thérapeutique. Mais des « difficultés » de taille restent à résoudre : tarification, rémunération, responsabilité juridique, politique industrielle et organe de pilotage des projets de télésanté.
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